le 29/01/2011 - JP BOCQUET |
Au fil des jours…
Samedi 29 janvier
2011. La période des soldes bat son plein. À en croire d’alléchants
rabais affichés en pourcentages mirobolants et tape à l’œil
sur fond d’affiches fluo, les soldes sont de bonnes affaires. Les vitrines
des magasins et des galeries marchandes s’embrasaient hier à Lille
de ces fanaux hivernaux pendant que d’impavides camions-grues s’activaient
à débarrasser la place du Général- de-Gaulle,
encore appelée place de la Déesse, des derniers vestiges
matériels de la grande roue. On la soldait elle aussi après
les fastes festifs de l’entre- deux- ans où chacun avait pu s’envoyer
en l’air, jeter l’argent par les fenêtres avec les pétards
et les lampions des feux d’artifice et se gorger de vin chaud bien épicé
devant tant de magnificence. Désormais, l’actualité redescend
au ras des pâquerettes, invitant le quidam à racler les fonds
de tiroirs pour solde de tout compte. Bien évidemment, le tiroir
du pauvre est vite raclé alors que celui du riche est à fonds
multiples mais, au nom du principe d’égalité inscrit dans
notre Constitution et en lettres de pacotille sur tous les frontons de
nos monuments publics, tout citoyen peut exercer son droit d’avoir un tiroir.
Si la grande roue ne tourne plus,
la Terre continue de tourner et le monde avec elle, voilà pourquoi
l’on solde comme chaque année à pareille période,
pour que tout soit comme il doit l’être. On solde ainsi Ben Ali,
pièce savamment ciselée de dictature et de liens d’amitié
avec le gratin économico-politique occidental. Business is business
n’est-ce pas ! Mais plus personne n’en veut, même à bas prix.
Cet encombrant colis ira de démarque en démarque jusqu’à
un douillet petit paradis de poche où il terminera son existence
à l’abri des regards indiscrets, clairement conscient qu’il devra
s’estimer heureux et se taire, ne pas dénoncer les copinages de
naguère et ne pas cracher au bassinet s’il ne veut pas se retrouver
entre les mains de la justice… À l’ère de Facebook, une aussi
frauduleuse opération de camouflage risque pourtant de se solder
par un échec.
Si j’en crois mon serveur Internet,
on solde aussi Christian Audigier en cette fin janvier. Christian Audigier
lâché par les stars et surtout par Johnny pour un crime de
lèse-Jade tatouagesque et une calamiteuse catastrophe commerciale
pour une chaîne de fringues in USA de notre fervent patriote. Johnny
avait ses fans par dizaines de milliers mais il se fane et je crains fort
que s’il s’obstine, sa carrière ne se solde par quelques retentissantes
déconvenues. On a les soldes qu’on peut quand on fut un soldat…
Il y a peu encore, deux visages
mythiques marquaient le Languedoc-roussillon : celui de Georges Frêche
et celui de Johnny sur les étiquettes d’AOC de la région
écoulées aux touristes. Mais si la grande roue ne tourne
plus, remisée pour un an, la roue tourne inexorablement elle, remisant
pour toujours le premier (que la classe politique s’est empressée
de doublement enterrer), quitte à brandir la mémoire de son
nom à la première occasion pour glaner les voix de ses fidèles.
En la matière, l’indécence se solde rarement. Quant au second,
qu’il se contente de chanter s’il le peut encore, et de nous enchanter
peut-être, sans oublier de nous prouver que le principe d’égalité
des citoyens devant l’impôt n’est pas un leurre.
Pour couronner le tout, les Sages
du conseil Constitutionnel soldent aussi leurs décisions et leur
crédibilité. Je les imagine fort bien triturant la constitution
dans tous les sens, farfouillant dans le bac à aubaines défraîchies,
sélectionnant un bonnet d’article par ci, quelques alinéas
mal tricotés par là, dénichant enfin des chaussures
démodées à leur pied pour nous affubler du triste
déguisement de l’interdiction.
À mon humble avis, les pères
de la Constitution ne se sont même pas préoccupés à
l’époque du problème du mariage homosexuel. Ils n’y pensaient
pas tout simplement. Mais nos Sages eux, nos vaillants gardiens de ladite
Constitution, y pensent. Ils viennent nous dire le droit comme s’ils avaient
la science infuse de toute éternité et qu’ils n’étaient
pas des hommes, faillibles et partisans, tissés de convictions et
de croyances, prisonniers de leurs propres passions.
La Constitution ? tu parles ! Quel
beau paravent et quel bel alibi pour ressortir les vieux rossignols d’une
pensée éculée et pour nous les vendre argent comptant.
Je sais bien que parlant ainsi je ne suis pas en odeur de sainteté
et qu’en dictature on ne donnerait pas cher de ma peau pour les avoir tenus.
Mais la France n’est pas une dictature si je ne m’abuse ; on peut encore
y aimer et y parler librement.
Faut-il être sage selon la
Lettre ou selon l’Esprit ? La Lettre tue mais l’Esprit vivifie a dit l’autre.
La Lettre crucifie à l’occasion, au nom du Droit. L’Esprit accueille
et libère, il harmonise et réunit ce qui est épars.
Il n’est jamais une injure à la vie… Il est d’abord faculté
de convertir son regard, sans solde ni ristourne à la caisse. Puissent
les jours qui viennent déciller enfin nos brocanteurs de la République
!
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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