le 12/01/2011 - JP BOCQUET |
Au fil des jours…
Mercredi
12 janvier 2011. Ça ne sent pas bon ! Attentats sanglants, otages
en détention ou exécutés, innocents sacrifiés
aux causes les plus absurdes ou les plus extrémistes. Retour en
force de la logique du bouc émissaire.
De la mort violente de chrétiens
coptes au moment où ils venaient prier dans la paix et pour l’amour
parmi les hommes à celle d’Antoine et de Vincent, l’hydre de la
barbarie n’en finit pas de dérouler ses tentacules. Et quand cette
barbarie a visage humain, c’est Florence Cassez qui s’étiole dans
un cachot mexicain au nom de la raison d’état.
On voit d’ici s’exhumer
l’ancestrale loi du talion, l’appel à la vengeance, le coup pour
coup et le dent pour dent, l’aveuglement de l’œil pour l’œil dans une spirale
infernale… Ceux qui orchestrent ces machinations se frottent déjà
les mains. On stigmatise déjà et, dans le chaos du mimétisme
généralisé, on fera payer aux innocents les crimes
des autres pour ressouder les communautés autour de ces holocaustes
(c’est la logique même du sacrifice du bouc émissaire). C’était
bien la peine qu’un dénommé Jésus meure précisément
sur la croix pour qu’il n’y ait plus jamais ça mais que règne
désormais la nouvelle loi, loi d’amour !
C’est dans ce sordide contexte
que d’aucuns rêvent de guerres frontales des civilisations, des cultures,
des religions et des ethnies, en France par exemple, terre de paradoxes
ou s’entrecroisent l’héritage des Lumières et l’attrait des
épurations. Et quand les dieux ont soif, peu importe que la victime
soit la carmélite de Compiègne ou le Maghrébin de
service.
La France est aussi terre de polémiques.
Aujourd’hui par exemple, enflent les polémiques autour du procès
d’Éric Zemmour, cité en justice pour diffamation et provocation
à la haine raciale. Dans cette affaire, le polémiste de profession
a donc trouvé ses contempteurs et ses soutiens. Il prétend
qu’on le criminalise parce qu’il décrit la réalité
et que les associations antiracistes ne font que « criminaliser une
parole qui ne veut pas se coucher devant le politiquement correct ».
Et Zemmour d’arguer les
faits, les chiffres, tout en sachant qu’on peut faire dire n’importe quoi
aux chiffres en laissant croire qu’ils parlent d’eux-mêmes. Les chiffres
sont hélas et par nature muets. Et ceux qui l’accusent arguent le
droit et l’interdiction qu’il contient de classer d’après des critères
ethniques. Tout cela fait une belle jambe à toutes les victimes
des agressions et de la délinquance, à tous ceux que la lubie
soudaine du premier quidam venu peut estropier pour la fin de leurs jours.
Tout cela me fait penser aussi à ce sondage effectué
auprès des New-Yorkais suite à une agression dans le métro.
Les médias avaient relaté le fait dans toute sa véracité
: un Noir agressé par trois Blancs. Les sondés se souvenaient
du fait, le narraient dans le détail, sauf qu’ils inversaient les
rôles et parlaient d’un Blanc agressé par trois Noirs. Symptomatique
!
J’en déduis que ce procès
ne réglera rien, les racines du mal étant beaucoup plus profondes…
Dans le même temps,
on parle de transférer les cendres d’Aimé Césaire
au Panthéon. Paradoxe ? Habileté politique ? Sincère
hommage de notre République des Lumières à celui qui
tint, face à nos hypocrisies barbares, le discours d’une authentique
universalité humaine ? À chacun de choisir.
Les œuvres de Césaire
– Cahier d’un retour au pays natal et Discours sur le colonialisme
– furent naguère au programme du baccalauréat. Elles mériteraient
de se trouver dans chaque bibliothèque municipale. Nous pourrions
alors y apprendre que même morte, même encensée au Panthéon,
la carcasse du poète exubère* encore son cri d’acier à
« vous qui vous bouchez les oreilles », « pour vous qui
un matin entasserez dans votre besace [ses] mots et prendrez à l’heure
où sommeillent les enfants de la peur, l’oblique chemin des fuites
et des monstres ».
Elles mériteraient
de se retrouver dans toutes les bibliothèques municipales de notre
République laïque et sociale pour nous rappeler que la barbarie
nazie ce fut celle qui couronna et résuma la quotidienneté
des barbaries du bourgeois prétendument humaniste du XX° siècle
; que le nazisme « est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être
la victime, on en a été le complice ».
Le seul problème
–trop souvent -, c’est que les complices et les victimes, ce ne sont pas
les mêmes.
*néologisme employé
par Césaire.
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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