le 30/03/2009 - JP BOCQUET
Au fil des jours…







      Lundi 30 mars. Matinée un peu plus grasse ce matin pour ce début de séjour à Vias, station balnéaire proche du Cap d’Agde. Il y a vraiment deux France. Celle où le froid retors étend sa gale un peu partout, paralysant les plaines du Nord à la Beauce, incrustant une neige grumeleuse dans tous les recoins des hauteurs du Massif central depuis la chaîne des Puys, abrasant d’un vent glacial les étendues arides du Larzac et de Lozère. José Bové a mille fois tort : cette France reste globalement la douce France chantée par Trenet mais elle n’est jamais à l’abri de printemps maladifs, plus hostiles au bien-être que celui de Mallarmé. Plutôt que de saccager les supermarchés ou les champs de maïs, José Bové ferait bien de s’attaquer aux printemps maladifs… Mais il est vrai que son ego de simili-paysan souffrirait difficilement d’être rendu à son insignifiance !
     Et puis il y a l’autre France, celle que je redécouvre avec un émerveillement inentamé à chaque fois que je débouche du tunnel du Pas de l’Escalette et que la luminosité jaillit de partout. Quelle jouissance de descendre vers Lodève et Bédarieux, le regard saturé d’affleurements de bauxite, de coteaux striés de ceps, d’oliviers et de bouquets de pins parasols. Prémisse et promesse de fruits et d’agrumes, de vins généreux et de fontaines rafraîchissantes, de fritures de sardines et de brasucades, de bains de mer interminables, tel est ce premier contact avec la corne de l’Hérault qu’évoque Nathalie Sarraute. J’en ai sillonné toutes les routes à vélo, des nationales aux chemins vicinaux (à condition qu’ils soient goudronnés), libre et heureux, comblé d’amandes sauvages ou de figues cueillies au hasard de mes itinéraires ensoleillés. Cette sortie du tunnel du Pas de l’Escalette c’est à chaque fois une petite graine d’espérance qu’un dieu bienveillant dépose au tréfonds de mon être…
     Il est 9 heures et je me dirige vers la plage, épiant les cormorans qui survolent l’étier de jonction du canal du Midi, scrutant les poules d’eau dans les rives herbeuses du Libron en tout point comparables à celles du canal des Chats… Au loin, dans la lagune et ses étangs, de minuscules taches claires ou cendrées, scintillant au soleil, signalent la présence des aigrettes ou des hérons. La vie est là, simple et tranquille, comme disait l’autre de sa cellule…
Finalement, j’ai tort de penser qu’il y a deux France : je me laisse piéger à chaque fois par le mirage d’un autre regard. Téteghem vaut mille fois Vias quand je me lève de bonne humeur. Cette façon qu’on a de parler de la France en disant « ce » pays, comme on le fait depuis les années Mitterrand m’horripile. La France n’est pas un objet que l’on pourrait examiner à distance, se réservant le rôle de l’observateur savant et volontiers méprisant, la France est « mon » pays et « ma » patrie autant que Du Bellay pouvait chérir « son » petit Liré ( bel exemple d’hypocoristique)…
     La France est « mon » pays, l’Europe est « ma » nation, la Terre est « ma » demeure et le Monde « ma » république. Il ne s’agit nullement ici de possession mais d’amour et de filiation. Je n’ai partout que « mes » frères humains, « mes » semblables. J’essaie de leur donner bien maladroitement « mon » amour et c’est à la pesanteur de ma pierre que je mesure souvent l’ardente obligation de l’effort. Je me surprends parfois à prier Dieu – s’il existe – d’ajouter la grâce à la pesanteur…
 
 
 
 
 
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Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
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