Au fil des jours…
Lundi 16 mars… Un soleil
généreux réchauffe mon citronnier abrité dans
sa verrière. Les fleurs affluent, odorantes, embaumant ce lieu où
Anny s’enivre de cassettes d’espagnol avant notre prochaine escapade à
Barcelone. L’O.L. y a subi une déculottée tout comme, hier
en Angleterre, notre équipe de Rugby. J’adore le sport mais je n’ai
pas l’esprit cocardier au point de pleurer sur ce qui recoupe toujours
des histoires de gros sous. Que des supporters innocents et sans doute
pas très fortunés puissent indirectement en mourir dans des
accidents atroces m’attriste beaucoup plus…
Hier justement, j’arrivais à
Lille par le port fluvial. Des myriades de jonquilles épanouissaient
leurs corolles et leurs pétales sur les parterres avoisinants. Le
soleil avait remplacé les fastes artificiels de la féerie
XXL de la veille. Chacun le sait : les jonquilles sont des fleurs fragiles
et éphémères et bien souvent elles ne sont déjà
plus que le printemps n’est pas encore… Mais là, précisément,
la providence des fleurs avait fait que l’éloignement de la fête
les avait préservées des piétinements imbéciles…
Ces jonquilles en sursis me
renvoyaient à Alain Bashung. Mort lui aussi alors que le printemps
n’est pas encore. A-t-il cru qu’il est trop dur de mourir au printemps
? Il s’en est allé, réservé et délicat jusqu’au
souffle ultime, retrouver le paradis des poètes où l’attendaient
Baudelaire, Brel et Brassens, Gainsbourg et Trénet… J’espère
qu’il est parti aux fleurs la paix dans l’âme, mais j’en doute un
peu : cet homme si discret, si respectueux des autres, qui a passé
toute sa vie à communier dans la joie et dans la peine au sort de
l’humanité, mais avec une pudeur et une retenue qui n’avaient d’égale
que sa sensibilité, savait bien qu’à chaque nouvelle aurore
tout reste à faire…
Il avait choisi d’offrir ses dernières
années au quartier de la Goutte d’or, d’y recueillir dans ses créations
les misères et les courages humblement déposés au
coin des rues depuis des siècles. Il avait choisi d’être ni
plus ni moins que chacun d’entre nous, tout simplement notre frère
humain.
Et quand il chantait : «
Un jour, je t’aim(e)rai moins… Un jour, je chant(e)rai moins… »,
il savait bien qu’un jour il ne serait plus.
Mais en ce printemps 2009, il restera
de lui des lendemains qui chantent à en faire pâlir d’envie
tous les idéologues du grand soir qui tablent sur la désespérance
et fourbissent leurs armes mortifères depuis plus d’un siècle.
Tes mots et tes notes sonnaient
juste Alain ! Voilà pourquoi la justice résonnait beaucoup
mieux dans leur justesse que dans les slogans éculés et pipés
des professionnels de la contestation. Ils attendent de nous que nous marchions
(et bientôt au pas sans doute). Tu as su nous élever au fil
des jours : ce fut sans doute une insaisissable révolution permanente
; mais elle est parmi les plus belles…
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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