le 31/03/2009 - JP BOCQUET
Au fil des jours…
 
 





Mardi 31 mars. Le temps est incertain aujourd’hui. Un vent de sud-ouest souffle, humide et roboratif, mais le ciel reste vierge de pluies possibles. Les vagues courtes et précipitées qui viennent fouetter les brise-lames me rappellent combien la Méditerranée est une mer capricieuse, aux sautes d’humeur parfois instantanées, lascive et rebelle tout à la fois. J’enjambe des centaines de branches desséchées et de troncs écorcés qui encombrent la grève, charriés par l’Orb et l’Hérault à chaque crue d’hiver et déposés sur le sable au gré des courants et des marées. Çà et là, des tronçonneuses ont amputé des troncs de leurs appendices biscornus, les empêchant ainsi de manifester leur détresse au passant. Ailleurs, des pyromanes occasionnels ont déjà tenté d’y mettre le feu, jouissant sans doute des flammes éphémères arrachées à ces cadavres ligneux, de l’odeur de potasse des pulvérulences essaimées par le vent, des vergetures noirâtres de ces gisants en gésine de putréfaction mais qui n’accoucheront que de vermine si un grand feu salvateur ne vient pas embraser dans un crépitement de joie leur masse en décomposition sous les dérisoires plaques calcinées.
Dans quelques semaines – tourisme oblige - , les plages seront nettes de cette sinistre désolation ; je la laisse donc à son sursis pour orienter mon regard vers La Tamarissière et les deux phares de l’entrée du grau d’Agde : c’est ma carte postale vivante. Au large, quelques chalutiers ratissent le fond, labourant les bancs de maquereaux et de sardines, suivis de grappes de mouettes. J’aurai eu ma part  de plaisir des yeux aujourd’hui ; je n’aurai pas marché en vain… Et puis même, à supposer qu’il n’y ait pas le plaisir des yeux, je me fais les muscles et le souffle et c’est déjà ça. Paul Valéry qui repose en paix dans son cimetière marin de Sète pensait comme moi ; il l’a écrit… et depuis que je l’ai lu, de sa main, de sa plume, chaque fois que je me fais les muscles à pied ou à vélo, par un juste retour des choses, c’est un peu comme si j’entrais en littérature.
Dans l’intimité étanche du mobile-home, la télé déverse néanmoins les news d’ici et d’ailleurs, impavide, radotant ce qu’elle sait ou suppute des salaires et primes faramineux des patrons et dirigeants du CAC 40. Comme l’opinion publique est quasi unanime dans la dénonciation de tels excès, la télé peut donc triompher sans gloire. On l’aimerait plus courageuse à traquer les primes et salaires abusifs partout où ils engraissent les privilégiés. Est-il normal par exemple qu’un jeune footballeur professionnel de l’Olympique Lyonnais perçoive un salaire mensuel de 400.000 euros ? Est-il plus utile à autrui ou plus expert dans sa technique qu’un brancardier ?… Il est vrai que Benoît Hamon, interrogé l’autre jour par les médias, a benoîtement déclaré que comparativement aux patrons qui sont légion et dont on doit plafonner les salaires, il est normal que le jeune footballeur en question nage dans l’opulence parce qu’il est rare. Escroquerie intellectuelle, improvisation irréfléchie ou démagogie de notre cher Benoît ? Pas de tollé, pas d’indignation, pas de campagne de presse suite à ses propos. Tous les Benoît n’ont pas cette chance ! Je sais bien que le foot est le sport populaire par excellence. Je sais bien que l’industrie textile, la SNCF, les compagnies d’autocars, les cafetiers, les brasseurs et les buralistes, le BTP, les sociétés d’espaces verts, etc. vivent de ce sport… Je sais tout cela. S’ensuit-il qu’il ne faille pas en dénoncer et en corriger les dérives et les excès quand ils existent ? Peut-être le mirliton de Martine croit-il s’attirer les bonnes grâces des joueurs et des millions de supporters en décrétant la chasse gardée sur l’argent roi du foot ? Il va ainsi à la pêche aux voix comme d’autres vont à la pêche aux moules… Mais ce faisant, ces ferments et ces relents de populisme nauséabonds qu’il manipule sans vergogne desservent grandement les causes qu’il prétend incarner, surtout quand il se targue de vouloir moraliser le jeu social…
Mon cher Benoît, il est plus tard que tu ne le penses ! Suis mon conseil : va rencontrer la mer et son insaisissable horizon. Qu’on la voie de Dunkerque, de Quiberon ou de la plage de Vendres, elle nous restitue la liberté de l’esprit. Elle vaut infiniment mieux que les eaux stagnantes et vaseuses des marécages idéologiques où s’enlisent lentement les postures partisanes, inconscientes des débilités qui les embourbent…
 
 
 
 
 
 
Film Welcome 13/03/09
Secret bancaire 14/03/09
Des jonquilles pour Bashung 16/03/09
L'hypocoristique
17/03/09/09
Indignations 18/03/09
 Apprendre à aimer 20/03/09
 Elise 24/03/09
 Equinoxe 27/03/09
  Parcours 29/03/09
 Douce France 30/03/09
 Carte postale 31/03/09
       

 
 
 

Retour en Page Accueil

Retour au fil des jours


Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
13 allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel: 03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96