Au fil des jours…
Mardi 31 mars. Le temps est incertain
aujourd’hui. Un vent de sud-ouest souffle, humide et roboratif, mais le
ciel reste vierge de pluies possibles. Les vagues courtes et précipitées
qui viennent fouetter les brise-lames me rappellent combien la Méditerranée
est une mer capricieuse, aux sautes d’humeur parfois instantanées,
lascive et rebelle tout à la fois. J’enjambe des centaines de branches
desséchées et de troncs écorcés qui encombrent
la grève, charriés par l’Orb et l’Hérault à
chaque crue d’hiver et déposés sur le sable au gré
des courants et des marées. Çà et là, des tronçonneuses
ont amputé des troncs de leurs appendices biscornus, les empêchant
ainsi de manifester leur détresse au passant. Ailleurs, des pyromanes
occasionnels ont déjà tenté d’y mettre le feu, jouissant
sans doute des flammes éphémères arrachées
à ces cadavres ligneux, de l’odeur de potasse des pulvérulences
essaimées par le vent, des vergetures noirâtres de ces gisants
en gésine de putréfaction mais qui n’accoucheront que de
vermine si un grand feu salvateur ne vient pas embraser dans un crépitement
de joie leur masse en décomposition sous les dérisoires plaques
calcinées.
Dans quelques semaines – tourisme
oblige - , les plages seront nettes de cette sinistre désolation
; je la laisse donc à son sursis pour orienter mon regard vers La
Tamarissière et les deux phares de l’entrée du grau d’Agde
: c’est ma carte postale vivante. Au large, quelques chalutiers
ratissent le fond, labourant les bancs de maquereaux et de sardines, suivis
de grappes de mouettes. J’aurai eu ma part de plaisir des yeux aujourd’hui
; je n’aurai pas marché en vain… Et puis même, à supposer
qu’il n’y ait pas le plaisir des yeux, je me fais les muscles et le souffle
et c’est déjà ça. Paul Valéry qui repose en
paix dans son cimetière marin de Sète pensait comme moi ;
il l’a écrit… et depuis que je l’ai lu, de sa main, de sa plume,
chaque fois que je me fais les muscles à pied ou à vélo,
par un juste retour des choses, c’est un peu comme si j’entrais en littérature.
Dans l’intimité étanche
du mobile-home, la télé déverse néanmoins les
news d’ici et d’ailleurs, impavide, radotant ce qu’elle sait ou suppute
des salaires et primes faramineux des patrons et dirigeants du CAC 40.
Comme l’opinion publique est quasi unanime dans la dénonciation
de tels excès, la télé peut donc triompher sans gloire.
On l’aimerait plus courageuse à traquer les primes et salaires abusifs
partout où ils engraissent les privilégiés. Est-il
normal par exemple qu’un jeune footballeur professionnel de l’Olympique
Lyonnais perçoive un salaire mensuel de 400.000 euros ? Est-il plus
utile à autrui ou plus expert dans sa technique qu’un brancardier
?… Il est vrai que Benoît Hamon, interrogé l’autre jour par
les médias, a benoîtement déclaré que comparativement
aux patrons qui sont légion et dont on doit plafonner les salaires,
il est normal que le jeune footballeur en question nage dans l’opulence
parce qu’il est rare. Escroquerie intellectuelle, improvisation irréfléchie
ou démagogie de notre cher Benoît ? Pas de tollé, pas
d’indignation, pas de campagne de presse suite à ses propos. Tous
les Benoît n’ont pas cette chance ! Je sais bien que le foot est
le sport populaire par excellence. Je sais bien que l’industrie textile,
la SNCF, les compagnies d’autocars, les cafetiers, les brasseurs et les
buralistes, le BTP, les sociétés d’espaces verts, etc. vivent
de ce sport… Je sais tout cela. S’ensuit-il qu’il ne faille pas en dénoncer
et en corriger les dérives et les excès quand ils existent
? Peut-être le mirliton de Martine croit-il s’attirer les bonnes
grâces des joueurs et des millions de supporters en décrétant
la chasse gardée sur l’argent roi du foot ? Il va ainsi à
la pêche aux voix comme d’autres vont à la pêche aux
moules… Mais ce faisant, ces ferments et ces relents de populisme nauséabonds
qu’il manipule sans vergogne desservent grandement les causes qu’il prétend
incarner, surtout quand il se targue de vouloir moraliser le jeu social…
Mon cher Benoît, il est plus
tard que tu ne le penses ! Suis mon conseil : va rencontrer la mer et son
insaisissable horizon. Qu’on la voie de Dunkerque, de Quiberon ou de la
plage de Vendres, elle nous restitue la liberté de l’esprit. Elle
vaut infiniment mieux que les eaux stagnantes et vaseuses des marécages
idéologiques où s’enlisent lentement les postures partisanes,
inconscientes des débilités qui les embourbent…
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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