Au fil des jours…
Vendredi 1er mai. J’ai le choix
ce matin : le choix entre un défilé toujours possible sous
un soleil bon enfant, une cérémonie de remise de médailles,
de l’argent au grand or, quelques travaux urgents que le temps sec
autorise et l’admiration distanciée du muguet qui arbore ses clochettes
dans mon jardin, exact au rendez-vous pour une fois… Un muguet que je soupçonne
de parti pris syndical…
J’opte pour la cérémonie
car il me plaît d’assister aux remises de médailles quand
elles sont signe de reconnaissance publique pour le courage et la vertu
de ceux que l’on décore… et c’est bien le cas pour telle ou telle
figure amie ennoblie par des années de labeur.
Je me contenterai donc d’aller
respirer le parfum « populaire » des clochettes de muguet au
moment de l’apéritif. Il est vrai que des cloches de Pâques,
nécessairement ailées et souvent en chocolat, aux clochettes
du muguet à l’odeur douce et agréable nous dit une vieille
édition du Larousse Élémentaire, il n’y a qu’un
diminutif et quelques jours, pas symbolique allègrement franchi
par un vieux maréchal en quête lui aussi de reconnaissance.
Pensait-il ainsi endormir la conscience des Français soumis à
l’occupant nazi et aux affres de la guerre, des séparations, des
privations, du STO et des rafles ? Voulait-il les inciter à la collaboration
en les enivrant d’un parfum reposant ? Collaborer, après tout, n’est-ce
pas littéralement travailler de concert ? En leur agitant ces petites
clochettes blanches et délicates, ce maréchal rêvait
sans doute de défilés enthousiastes où des cohortes
de patriotes enrubannés, bras dessus bras dessous, entonneraient
en chœur sur les places des bourgades, accompagnés de leur innocente
progéniture endimanchée : « Maréchal, nous voilà…
» On connaît la suite de l’histoire… N’empêche que quand
la duplicité des hommes se double de la duplicité des mots
et des symboles, le pire n’est jamais loin !
Famille, Patrie, Travail : valeurs
sacrées déshonorées par un maréchal sénile
épris de pouvoir qui a cru (c’est la version soft de son attitude)
qu’il pourrait adoucir la vie des Français en léchant les
bottes du Führer.
Aujourd’hui, les familles se décomposent
et se recomposent au gré des vents et des caprices, monoparentales
et additionnelles : c’est le grand principe de flexibilité, que
les salariés abhorrent au travail mais bricolent quotidiennement
chez eux. André Gide ne pourrait plus s’écrier « familles
je vous hais », la famille traditionnelle étant désormais
un ensemble vide. Fort heureusement, il existe encore des couples qui s’efforcent
de vivre un bonheur durable.
Pour la patrie, elle est à
ce point galvaudée que ses ersatz empoisonnés dressent des
supporters fanatisés, infectent les travées des stades de
rixes violentes, entraînent les insultes racistes et les débordements
imbéciles. Et c’est sous Mitterrand – époque mille fois bénie
de la liberté d’expression proclament ses idolâtres épigones
– qu’un admirable livre qui eût pu réconcilier chacun avec
l’idée de patrie et cimenter des destinées jusque là
soupçonneuses – je veux parler du remarquable recueil de textes
commentés sur le concept de patrie de Jean Bastaire – n’a pas trouvé
d’éditeur. Il n’en eût pas trouvé davantage en 1943
sous Pétain… C’est que la patrie ce n’est pas ce « package
» d’opérette composé de musiques militaires et de cocardes,
enrobé de superbe, c’est cette « eau dormante » que
l’on retrouve en soi comme l’a si bien dit Malraux… Et le respect de la
patrie devient alors respectueux de tous les respects.
Reste le travail. En ce vendredi
1er mai 2009, un peu partout les travailleurs défilent derrière
les banderoles syndicales ; les autres aussi, par conviction peut-être,
par sympathie ou par solidarité encore, pour faire nombre surtout…
Les nostalgiques de mai 68 et certains attentistes escomptent la chienlit
et la terre tant promise et tant manquée du pouvoir. Ils pensent
que la crise peut s’écrire la prise et s’acharnent à prendre
par la démagogie ce qu’ils n’ont pu prendre par les urnes.
Mais il y a aussi la grippe, porcine
et mexicaine avant d’être classée A. Les virus peuvent-ils
apparaître à l’ombre des carcasses empuanties de porcs qui
n’en finissent pas de pourrir et sécher au soleil mexicain comme
nous l’affirment les médias ? Comme la crise financière et
immobilière, cette crise de santé a aussi éclaté
sur le nouveau continent avant de venir titiller la vieille Europe…
12 h 30 : je rentre de la cérémonie
de remise de médailles. Au pot de l’amitié qui la suivait,
j’ai bu un demi de Beurg, nouvelle bière de garde paraît-il
brassée à Bergues… J’ose parier qu’on en servira bientôt
dans les snacks de notre cher pourtour méditerranéen pour
accompagner la pizza du Ch’ti. C’est encore un coup porté à
la vérité culturelle mais, somme toute, cette sympathique
relance par la consommation vaut bien les inepties concoctées par
les prétendus économistes de certains partis politiques…
Sur ce, pour célébrer
comme il se doit la fête du travail, je m’en vais bricoler…
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Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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