Au fil des jours…
Vendredi 29 mai. J’ai des coquelicots
plein les yeux ; j’ai des coquelicots plein la tête. Fin avril, la
crête rouge vif de ces pavots communs parsemait déjà
les fossés et les talus méridionaux, mais fin mai, c’est
l’invasion généralisée : des champs entiers de coquelicots
noient les blés encore verts, des pédoncules téméraires
se risquent même dans les interstices des bordures de trottoirs…
Le virginal muguet du Maréchal connaît la ménopause
– à Montoire comme ailleurs -, les lilas s’oxydent et se fanent,
les roses restent incertaines mais les coquelicots triomphent en ce mois
de Marie.
Il faut traverser les hauteurs
arides et rocailleuses de la Lozère et du Larzac en mai, là
où l’herbe éparse et malingre s’accroche comme elle peut,
pour s’étonner de la vivacité des coquelicots qui grêlent
le sol de leurs points rouges en un gigantesque érythème
solaire…
C’est que le coquelicot est la
fleur « gauloise » par excellence. On l’aurait ainsi dénommée
à cause de sa couleur et de sa forme qui rappellent la crête
du coq, appliquant à la fleur l’onomatopée qui imite le chant
de ce volatile si familier de nos stades et de nos écussons sportifs.
Cocorico, coquelicot, coquelicoq à l’occasion, telle est la filiation
et le fruit de l’imagination populaire.
Inutile de s’appesantir sur la
symbolique du coq. Il est « gaulois » parce que les Romains
l’ont voulu ainsi, par assimilation du nom de l’animal mâle «
gallus » (la femelle étant « gallina ») et de
« Gallus », le Gaulois. Comme quoi les mots nous jouent parfois
des tours et nous font une réputation pour le moins discutable.
Si je cédais à la trivialité et à la gauloiserie,
j’y verrais le signe que les Français sont de bons petits coqs et
que les Françaises sont autant de poules (superbes ?)… Mais je ne
céderai pas à cette tentation. Depuis que j’ai lu Voltaire,
je sais que le poulailler est le gouvernement monarchique par excellence
car le coq va toujours le premier à la bataille, est toujours en
première ligne (Ah ! si ça pouvait être le cas de nos
hommes politiques…).
Je reviens à nos coquelicots,
fleurs aussi rouges que nos désirs, nos émotions, nos violences
et nos amours, fleurs solaires à l’instar du réveille-matin
des ancestrales basses-cours, frêles pédoncules surmontés
de leur arrogante fierté.
Fleurs opiniâtres et sauvages.
Fleurs impressionnistes. Ce que j’aime surtout dans ces fleurs, c’est le
soyeux et la fragilité des pétales qui se flétrissent
sous le doigt qui les caresse et qui les roule en quête d’un improbable
secret…
En somme, provocants et intouchables,
si téméraires et si mortels, les coquelicots sont à
l’image de la vie… Laissons-les au plaisir des yeux…
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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