le 30/05/2009 - JP BOCQUET
Au fil des jours…









Samedi 30 mai. Beauvais. Il est midi et je déambule dans les rues piétonnes du centre-ville. La cathédrale St-Pierre, le musée, l’office de tourisme, la place du marché et la place Jeanne-Hachette s’égayent d’un franc soleil mais un vent rebelle et un peu frais me rappelle que cette ville historique de l’Oise, pour charmante et accueillante qu’elle soit, ignore les vertus lénifiantes de la sieste méridienne à l’ombre… Ici, ce n’est pas comme à Béziers ; il faut fuir les ruelles obscures dont les courants d’air ne sont guère salvateurs.
J’irai donc m’abriter derrière les paravents d’une terrasse ensoleillée pour le déjeuner. La serveuse qui me prend en charge – affable et familière – a tout à fait le profil de l’emploi : pour assaisonner les mets simples d’une brasserie, la purée maison et les rognons ou l’escalope, il faut bien la sauce à la normande et la demoiselle enjouée, n’est-ce pas ?
Je la trouve bien pâle, cette serveuse. Quelques jours d’exposition au soleil des plages du Midi m’ont assuré d’un teint qu’elle ne saurait obtenir après des semaines d’allées et venues sur la terrasse de sa brasserie… Je la plaindrais presque. Presque… Mais bizarrement, elle me recommande de me méfier du soleil de Beauvais, particulièrement « agressif ». Je suis touché de sa prévenance, de son débordement d’attentions pour le client…Cela ne m’empêche pourtant pas de penser qu’elle met à côté de la plaque et qu’elle manque de discernement : vouloir me faire gober que Beauvais a un climat tropical et que c’est ici, fin mai, que mon crâne grillé sous d’autres latitudes craint l’insolation, c’est me prendre pour un naïf ou l’être elle-même… Elle n’est donc pas à plaindre ; je me contenterai de lever les yeux pour implorer le dieu du bon sens pour qu’il lui pardonne car elle ne sait pas ce qu’elle dit… Allons ! Elle est aux petits soins pour me servir ; elle sait donc parfaitement ce qu’elle fait et je n’en demande pas plus…
Au coin de la place, les militants politiques quant à eux ne savent pas plus ce qu’ils font que ce qu’ils disent. On leur a demandé de « faire le marché », aussi accostent-ils touristes, badauds, ménagères et habitués des lieux pour leur fourguer la bonne parole et les tracts. En fait, ils récitent des leçons apprises par cœur, peintes en vert pour les uns, en rouge pour d’autres, en mauve à l’occasion pour ceux qui semblent s’être fait un deuil du succès de leurs candidats au scrutin du 7 juin. Ainsi va la vie… Quelques rares passants amorcent d’impossibles dialogues avec ces préposés au tractage qui leur ânonnent leurs argumentaires en parfaite indigence…
Une jeune fille déterminée et en tenue de campagne (au double sens du terme) m’a collé de force un fascicule dans la main avec l’aplomb d’un charlatan qui refile sa panacée. Je suppose que si elle arrive à liquider le paquet qu’elle a sur les bras elle aura le sentiment d’avoir changé le monde. Du coup, je me retrouve embarrassé de ce dont elle se débarrasse et je m’éloigne lesté  de milliers de mots que je ne lirai jamais. Au loin, des têtes inertes et bariolées qui encombrent les panneaux électoraux semblent me juger. Comme s’il me fallait des affiches et des slogans pour faire mon choix. Mon choix, je l’ai patiemment élaboré depuis des mois, en observant les uns et les autres, en jaugeant les réalités et en osant modestement penser par moi-même…
Finalement, l’impression qui me reste de ce samedi à Beauvais, c’est celle du recyclage. Impossible recyclage du soleil de l’Oise qui ne sera jamais celui de Miami. Improbable recyclage de ma sympathique serveuse qui comprendra peut-être un jour qu’un Nordiste ne limite pas nécessairement l’héliotropisme  aux confins de la Picardie. Recyclage plus que jamais à  toutes les sauces (auxquelles je préfère quand même la sauce normande de ma serveuse) dans les propos inconséquents des formations politiques… Et pourtant, que de déchets ! Que de papier gaspillé ! Que d’arbres abattus par ces dérisoires tempêtes idéologiques ! Est-ce vraiment cela, la liberté d’expression ?
Il fait beau. Je suis à Beauvais. C’est le beau qui m’attire aujourd’hui. Je remets à plus tard ma méditation en germe sur les effets pervers de la démocratie. J’aperçois une poubelle au coin de la place. J’y jette le programme qui promettait sans doute de transformer l’Europe en contrée de Cocagne. Apparemment, à en croire par le contenu de la poubelle, je ne suis pas le seul à accomplir ce geste. Bah ! tout ce papier recyclé et qui vante les mérites du recyclage ira au recyclage dans un cycle sans fin pendant que les leaders politiques qu’il tente de promouvoir se recycleront eux aussi jusqu’au jour où l’électeur les enverra au rebut.
 
 
 
 
 
 
 
Valeurs 01/05/09
Barbare 05/05/2009
Résistance 08/05/2009
Epanchements 27/05/09
Coquelicots 29/05/09
 Recyclage 30/05/09
 
 
 
 
   
 
   

 
 
 

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Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
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