le 5/05/2009 - JP BOCQUET
Au fil des jours…










Mardi 5 mai. C’en est fait : je renonce à penser que la fréquentation des textes de l’Antiquité, de la Renaissance, des Lumières et des grands auteurs contemporains mènent à la sagesse, je renonce à croire que les lettres, fussent-elles classiques, valent label d’humanisme, je renonce à prétendre que la maîtrise du sens des mots incite au discernement.
J’ai quelques points communs avec François Bayrou, entre autres le fait d’avoir un jour solennellement renoncé à Satan, en méconnaissance de cause sans doute, car l’animal Satan se réduisait alors pour l’enfant que j’étais aux représentations iconographiques que j’en avais… Mais enfin, du serpent tentateur du jardin des délices aux diables cornus et fourchus, pourvus d’une queue sinueuse en forme de dard, sans oublier Belzébuth aux sabots fendus et le sardonique Lucifer tournant la broche infernale, j’avais grandi comme François Bayrou dans cette prégnante culture chrétienne de l’époque qui m’a fait acquiescer avec ferveur au pacte vertueux que me proposait la communion solennelle. J’étais devenu pur et je le savais ; le brassard et l’aube blancs dont on me parait en témoignaient.
J’avais la faiblesse de croire hier encore que nous partagions aussi une profession de foi humaniste ; je renonce aujourd’hui à cette prétention.
Pourquoi ? Pour l’utilisation  perverse qu’il fait de l’expression « enfant barbare » dont il qualifie Nicolas Sarkozy dans les colonnes de la Voix du Nord.
Les mots de l’insulte et de la colère sont par essence excessifs et nous « échappent ». On peut aisément pardonner à leurs auteurs, surtout quand ces derniers ne sont d’éminents agrégés de lettres. Ils n’ont jamais lu Montaigne, qui écrivait que « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ».
Bien entendu, notre paysan béarnais, un peu gascon, un peu menteur, connaît Montaigne et cultive les fleurs exquises du grec ancien. Il sait donc que barbare est une onomatopée utilisée par les Grecs antiques, les hommes faiseurs de pain selon Homère, pour désigner ceux qui ne parlaient pas leur langue, qui piaillaient comme des oiseaux. Et durablement, on étiquettera « barbares » ceux qui ne partagent pas notre culture et que l’on considère comme des sous-hommes. Le barbare, c’est donc au choix du lecteur, l’inhumain, l’inculte, le non-civilisé, l’étranger ou, si l’on veut, l’arriéré, le primitif, le sauvage, le sanguinaire, la brute ignare et grossière… Employé comme adjectif, le mot désigne encore ce qui est contraire au bon usage et au bon goût.
Barbare ! Le mot est donc lâché ; comme si François Bayrou déniait à Nicolas Sarkozy le droit d’être né en France…
Du barbare, je pense ce qu’en pensait déjà Montaigne, savoir que le barbare  c’est celui qui choisit ce mot pour désigner autrui. Et comme le chantent les enfants dans leurs jeux d’une innocente cruauté, piaillant à qui mieux mieux dans les cours de récréation : « c’est celui qui le dit qui l’est. »
Enfant : c’est l’autre terme du titre de l’ouvrage fictif de notre ex-ministre de l’Éducation. Il prétend qu’il l’utiliserait par référence aux caprices. Allons donc ! Peut-il oublier, lui, l’homme versé dans les racines, linguistiques et autres, que l’enfant c’est précisément celui qui doit encore grandir et qui ne sait pas parler ? Nous voici subrepticement de retour à l’avorton, au sous-homme…
Mon cher François, il y a dans ta formule des connotations et des relents qui ne me rassurent guère. De l’homme de lettres, j’escomptais la saillie spirituelle, j’aurais apprécié l’ironie ou la satire –même virulente-, je me serais même délecté du vitriol mais j’encaisse mal le propos nauséabond. Je t’en conjure : redeviens toi-même ; redeviens un authentique humaniste chrétien à la dimension d’un Péguy, d’un Maritain, d’un Bastaire et à hauteur des cimes pyrénéennes… Il fut un temps où, à Valladolid, des fanatiques et des opportunistes déniaient une âme aux Indiens  pour mieux les exploiter comme bêtes de somme : ne t’embourbe pas à ton tour dans ce chemin insidieux ! Ils ne savaient pas ou ne voulaient pas voir. Mais toi, dont la culture est vaste, tu as le devoir de voir et de re-connaître…
Et moi, ce n’est pas parce que je renonce à penser que, à croire que, à prétendre que,  que je renonce à espérer en l’homme, quel qu’il soit, lettré ou pas, béarnais ou d’origine hongroise… 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
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