le 11/02/2011 - JP BOCQUET |
Au fil des jours…
Vendredi 11 février
2011. Grisaille tenace ce matin. Grisaille d’ambiance. Grisaille du ciel
et de l’actu. Il est des jours comme ça où l’esprit de Verlaine
revient nous visiter, des jours qui pleurent, des jours de culpabilité
latente.
Car nous sommes tous un peu coupables,
par nos mots, nos actes et nos silences. Complaisamment.
Nous savions depuis des décennies
que Moubarak et son clan prospéraient comme des parasites sur la
misère et la souffrance des Égyptiens, amassant des fortunes
pharaoniques, détournant les aides allouées et les bénéfices
engrangés vers des comptes secrets, des biens immobiliers colossaux
et autres avoirs exponentiels çà et là en Occident.
Aux USA, en Suisse et en Grande Bretagne paraît-il. Et en France
? Hier soir, le présentateur du journal TV de France 2 est resté
muet comme une carpe sur ce dernier point. Comme nombre d’entre nous, je
me préoccupais beaucoup plus du secret des pyramides que du pain
quotidien de mes frères fellahs qui s’étiolaient le long
du Nil. Et maintenant que la grisaille du jour me renvoie mon image enténébrée,
ma conscience me murmure : « Dis ! Qu’as-tu fait toi que voilà
? » Rien. J’ai laissé tresser des couronnes à Moubarak,
dans l’indifférence…
Nous savions depuis le début
de l’incarcération de Florence Cassez que la justice n’est pas comme
le bon sens la chose la mieux partagée du monde. Vérité
des droits de l’homme en France (et encore !), erreur au Mexique. Nous
avons en réalité beaucoup communiqué sur nous dans
cette affaire, nous tressant des couronnes. Des chevaliers blancs aux sabres
de papier en quelque sorte. Comme nombre d’entre nous, j’ai feint de croire
que la voix de la France, la voix de la patrie des Lumières, aurait
plus de poids que le complot pénal mexicain sur fond de pièces
judiciaires frelatées. Et maintenant que la grisaille du jour me
renvoie mon image enténébrée, ma conscience me murmure
: « Dis ! Qu’as-tu fait toi que voilà ? » Rien. J’ai
attendu de Noël à Pâques et du 14 Juillet au jour de
l’An que le miracle s’accomplisse et que le Verbe soit créateur
de liberté, croyant que la parole de nos leaders avait force de
providence divine…
Nous savions depuis des décennies
que dans nos sociétés, l’économique et le comptable
priment l’humain. La chair à dividendes a remplacé la chair
à canons. Ce sont bien sûr toujours les mêmes qui meurent
où que l’on asphyxie. Stephan Hessel vient de le rappeler dans un
opuscule qui s’est vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires
et plus, ostentatoires décorations de nos sapins illuminés
familiaux et sublimes cadeaux de Noël trônant devant nos cheminées
le temps des fêtes. Et puis, les soldes ont remplacé la révolte
virtuelle. Comme le calendrier liturgique a son Carême, le calendrier
festif a sa période d’indignation et de bon cœur avant les soldes.
C’est tout. Et maintenant que la grisaille du jour me renvoie mon image
enténébrée, ma conscience me murmure : « Dis
! Qu’as-tu fait toi que voilà ? » Rien. Je me suis contenté
de lire et d’approuver…
Nous savions depuis des années
que les radars n’étaient qu’une vaste entreprise à extirper
le pognon des automobilistes sous prétexte de protéger des
vies humaines, ce qui arrive incidemment et par surcroît. La preuve
: les détecteurs de radars sont illégaux mais leur fabrication
et leur vente autorisées. Alors ! Il suffit de passer à la
bonne vitesse au moment voulu. Pour le reste, c’est l’idéologie
du pas vu pas pris. On supprime 16000 postes dans l’Éducation dans
le même temps où l’on va implanter 1000 nouveaux radars. On
prétend éviter des victimes alors qu’on en fait par dizaines
de milliers pour toute une vie en sacrifiant délibérément
l’avenir de nos enfants. Cherchez l’erreur ! Maintenant que la grisaille
du jour me renvoie mon image enténébrée, ma conscience
me murmure : « Dis ! Qu’as-tu fait toi que voilà ? »
Rien. J’ai sans cesse « jérémié »et
consenti…
Nous savons encore, je l’espère,
que les mots ne sont pas les actes, qu’un ton doucereux, patelin et amène
n’est jamais preuve de sincérité ni de probité sans
les actes, que les discours servent même parfois à éteindre
les incendies ou les révoltes. Nous savons qu’à l’ère
de la grande communication, le ministère de la parole est roi. Il
ne suffit donc pas d’émissions télévisées savamment
peaufinées pour inverser les faits, qui sont têtus. Maintenant
que la grisaille du jour me renvoie mon image enténébrée,
ma conscience me murmure : « Dis ! Qu’as-tu fait toi que voilà
? » Presque rien à vrai dire, si ce n’est écrire sur
ce blog ce que j’en pense.
L’internet me le permet. Autrefois,
le bouche à oreille était moins rapide et moins efficace
je présume… Il faut avoir le courage de ses idées, quitte
à s’attirer l’antipathie. Fallait-il que je ne fasse pas de Dunkerque
sous le signe d’Othmane un plaidoyer pour la tolérance sous prétexte
que certains lecteurs de polars ou de thrillers sont racistes ? J’ai préféré
me priver de ces lecteurs.
Et ce n’est pas parce que je dédicace
ce week-end au salon du livre de La Couture que ce sera motus et bouche
cousue là-dessus, comme disait ma défunte mère. J’aurais
mauvaise conscience à cautionner et à courber l’échine
devant l’intolérable. Parce que je sais aussi que l’on a d’autant
plus volontiers bonne conscience qu’elle n’a jamais servi.
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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