le 03/02/2011 - JP BOCQUET |
Au fil des jours…
Jeudi 3 février 2011.
Nous y sommes : plus de 600 blessés dans des affrontements initiés
par le pouvoir en place, l’information muselée et le correspondant
de presse Serge Dumont arrêté pour espionnage… C’est sans
doute la fameuse transition pacifique que le président Obama appelait
de ses vœux ! La transition pacifique version Moubarak, ce même Moubarak
qui a profité durant des années de la manne occidentale pour
tisser la toile hideuse de son régime policier et liberticide.
Si les touristes avaient l’impression
d’être protégés, leurs guides égyptiens, surveillés
à l’extrême, savaient bien ce qu’il en était, contraints
de ne parler qu’architecture ou Antiquité. Chacun se sentait filé,
espionné, fliqué. Chacun vivait sous la main invisible de
la police et des services spéciaux et dans la crainte permanente
de la délation. L’occident acquiesçait, égoïstement
préoccupé de géopolitique et de protection de ses
ressortissants. Traverser des étendues désertiques en direction
d’Abou Simbel sous solide escorte militaire en disait long sur la
légitimité réelle du pouvoir.
Dans son essai Le regard vide,
le philosophe Jean-François Mattéi rappelle la triple exigence
de l’être humain : exigence de liberté, exigence de vérité,
exigence de justice. À leur manière, les mouvements d’opposition
aux dictatures en place en Tunisie, en Égypte, et sans doute bientôt
ailleurs, nous le rappellent eux aussi.
Mais Moubarak n’est que la version
étatique d’une autre tendance de l’homme, la passion du pouvoir.
Désinformation, falsification, mensonge par omission, inégalités
criantes de traitement, manipulations, mises à l’écart, accusations
iniques caractérisent aussi tous les hobereaux locaux –quel que
soit le pouvoir auquel ils se cramponnent. Ces gens-là n’aiment
personne, en haine du monde, des autres et d’eux-mêmes. Ce sont des
esprits tortionnaires qui ne pensent qu’à détruire…
Demain vendredi c’est jour de prière
en Égypte, et jour de grande marche des opposants au régime.
Si l’UNESCO a su classer au patrimoine mondial de l’Humanité et
restaurer les Temples d’Abou Simbel, restaurer la liberté face à
un régime totalitaire est mille fois plus important. Quel intérêt
y aurait-il à promener un regard vide sur des vestiges de civilisations
révolus dans un pays dont le seul avenir serait des nécropoles
?
J’espère qu’à l’heure
où je tape ces lignes, Serge Dumont est à nouveau libre,
libre d’exercer en toute objectivité son activité de correspondant
de presse. J’espère que Moubarak subira bientôt l’épreuve
de la balance d’Osiris ; qu’il mesurera vraiment ce que vaut son cœur.
J’espère que les Égyptiens pourront bientôt restaurer
le plus beau des temples, celui d’un pays librement organisé en
vue du bien de tous.
Je ne suis pas Flaubert qui fulminait
dans l’Éducation sentimentale contre la mise à sac des Tuileries
et des chefs-d’œuvre par les révolutionnaires de février
1848. Je fulmine contre toutes les entreprises et tous les pouvoirs qui
mettent à sac l’irremplaçable chef d’œuvre qu’est chaque
être humain.
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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