Au fil des jours…
Mercredi 22 juillet. Ça y
est ! C’est le grand retour ! Du soleil ? Du soleil que les Indiens immergés
dans le Gange ont vu disparaître, angoissés ou pleins d’espoir
? Du soleil qui s’est éclipsé six minutes et des poussières
pour les Chinois que plus rien n’inquiète depuis la disparition
de Mao ? Eh non ! le soleil se lève et se lèvera impavide
des ères entières encore alors que les vers qui auront nettoyé
nos cadavres auront connu le même sort depuis belle lurette… Il se
couche et se couchera d’ailleurs in aeternam tout aussi indifférent
à nos mesquineries…
On nous annonce aussi le grand
retour de Nicolas Sarkozy sur le Tour. Nul doute qu’il va « congratuler
» son ami Lance pour son percutant retour sur ses adversaires qui
se partageaient déjà les places dans l’ascension du Petit
St-Bernard. Amstrong : 37 ans et toutes ses dents ! Est-ce en vélo
comme en politique ? Et l’as du braquet va-t-il nous rejouer à sa
manière le coup des européennes ? Réponse d’ici peu…
Une chose est sûre en tout
cas : Ségolène est de retour. Elle se fend d’un hypocrite
soutien à Martine qui n’a rien d’une tendre complicité ni
d’une quelconque solidarité féminine face aux jappements
des bassets du PS, friands de mystérieux mollets que la louve exsangue
ne découvre guère… C’est le soutien que l’on manifeste aux
mourants lorsque les affres de la mort les asphyxient déjà
pour mieux les persuader de leur irréversible chute dans le charnier
de l’oubli… C’est exactement à l’opposé de l’accompagnement
des malades en fin de vie ou même de l’assistance consolatrice du
médecin et du prêtre ; c’est le soutien jouissif de qui prospère
dans la seule préoccupation et délectation de la disparition
des autres…
Au titre des retours, on polémique
sur celui de notre Président dans les colonnes du Nouvel Obs.
La Gauche s’en offusque paraît-il : serait-elle sectaire jusqu’à
la lie ? Je me permets ici d’esquisser une autre alternative : ou bien
le Nouvel Obs amorce son grand retour dans la tradition de tolérance
qui faisait son succès, ou bien il veut reconquérir un certain
lectorat pour des raisons comptables… A chacun de trancher.
On pourrait donc multiplier les
grands retours. En fan de Brassens qui gît à Sète et
dans mon cœur, en fan de sa coruscante anarchie humaniste, en fan
de sa faconde langagière, de son inventivité verbale, je
me prends à rêver en ce 22 juillet du grand retour de la maréchaussée
à l’ancienne ; je pourrais alors m’écrier : « 22, v’la
les bleus ! » Hélas ! il n’en est rien… Les radars automatiques
les ont remplacés depuis longtemps, et les ordinateurs ou la télésurveillance…
Au marché de Brive la Gaillarde, on les matraquait jadis à
grands coups de mamelles ; aujourd’hui, ils caressent des souris de leurs
doigts soignés dans de douillets bureaux…
Restent les aoûtiens et les
bouchons : c’est là la chronique annoncée du grand retour
annuel, dans la fournaise des péages et la salubrité précaire
des aires de repos avant la cascade des accidents de montagne, des baignades
fatales et des embardées finales… Autant de disparitions stupides
auxquelles il faut préférer les insupportables piqûres
d’aoûtats qui nous rappellent que nous sommes bien vivants…
Bien vivants ! Pour combien de
temps encore ? La nouvelle hydre de Lerne nous guette, subreptice et assoiffée
: je veux parler de la grippe A. Souvenons-nous : on l’avait d’abord diabolisée.
C’était une manip printanière pour escamoter la crise, pour
alimenter les caisses de l’industrie pharmaceutique, pour désamorcer
la contestation sociale, pour ne pas perdre les Européennes. On
l’a ensuite enterrée, dans un consensus aveugle ou calculé…
Et voilà qu’elle nous fait « coucou », de mort en mort,
d’école en colo, de pays en pays, exponentielle comme les vaccins
qu’il faudra fabriquer par milliards d’unités si l’on veut la devancer
dans les incommensurables lézardes de la vie où elle s’invite…
Je me contrefiche de savoir si
les virus sont des organismes vivants ; les scientifiques sont infiniment
plus qualifiés que moi pour en traiter. Je sais et je vois qu’ils
tuent. Je sais et je vois que la Nature (ni la Nature verte chlorophyllée
d’une écologie bobo ni la Nature des philosophes des Lumières
mais la Nature telle qu’elle subsisterait à une déflagration
nucléaire planétaire) ne manque pas d’ingéniosité
pour avoir le dernier mot. Je sais et je vois que l’Homme n’aura jamais
fini de devoir se montrer inventif dans ses réponses aux défis
qu’elle lui lance s’il veut espérer perdurer dans le progrès
de l’Humanité… et je sais et je vois qu’aujourd’hui plus qu’hier
et bien moins que demain les réponses ne peuvent qu’être collectives.
Á ceux, à tous ceux
qui l’oublient trop facilement, c’est en somme le grand retour de Sisyphe.
Un Sisyphe multipolaire, remontant partout sa pierre, patiemment, inlassablement,
si possible cohérent et coordonné dans ses mille bras et
jambes d’Orient et d’Occident. Fraternel et solidaire en quelque sorte.
Une conscience à l’œuvre. Il ne faut pas chercher ailleurs le bonheur
d’une tâche à la mesure de l’Homme…
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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