le 30/08/2009 - JP BOCQUET
Au fil des jours…








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Samedi 29 août. Ça y est : c’est la rentrée… Il est impossible de l’ignorer, tant les medias ressassent cette évidence calendaire avec la même fièvre et la même obstination que s’il s’agissait d’une anachronique prophétie de Nostradamus.
Ici, une tramontane de circonstance aère l’atmosphère après les excès des semaines précédentes, excès tout relatifs qui n’ont pas autant affolé le thermomètre qu’en 2003. Le ciel quant à lui est invariablement bleu.
Il suffit souvent d’observer pâturages et talus qui bordent les routes pour savoir si une région est humide ou ensoleillée… Eh bien ! dans l’Hérault (et particulièrement sur le littoral), l’herbe est rousse ou a disparu. Vingt fois en vain on nous a promis la pluie cet été ; vingt fois elle a joué les belles endormies, alanguie en nuées lourdes et voluptueuses sur les Pyrénées et le Massif Central, somnolant sur les crêtes et les vallées lointaines, laissant contempler des galbes volumineux et des traînées fécondes où germaient des orgasmes réservés à d’autres… Ici, c’était plutôt le coït ininterrompu du soleil et du raisin, du raisin si sucré que son jus colle à l’asphalte surchauffé quand il s’écoule des tombereaux incontinents des luxuriantes vendanges. Les pneus de mon vélo ne résistent guère à ce musc de la vigne.
Mais désormais c’est la rentrée et, par décret providentiel du Grand-Maître Éclusier, nous serons tous copieusement arrosés dès mardi, où que nous soyons… Rentrée pluvieuse, rentrée studieuse, au grand dam des élèves pleurnichards.
Oh ! les élèves ne sont pas les seuls à rentrer. C’est aussi la rentrée de la bulle politico-médiatique, ses universités de rentrée en tout genre, la rentrée littéraire et les arnaques de sa pompe à fric, la rentrée sociale avec son cortège de licenciements secs pour compenser les liquidités accordées aux traders si généreusement arrosés. Par une curieuse ironie de vocabulaire, les licenciements secs correspondent d’ailleurs à des entreprises en liquidation.
Nous allons donc rentrer dans nos demeures, nos écoles, nos entreprises, nos habitudes formatées et nos froides ténèbres comme les escargots rentrent dans leurs coquilles. Et, une fois rentrés, nous rentrerons les provisions pour l’hiver : le bois ou le fioul, le vin des foires aux vins ; nous rentrerons aussi les plantes, les récoltes, que sais-je encore ? Pendant neuf mois, notre vie sera rythmée par ce verbe, ponctuée de mille rentrées, larvée d’angoisses, de colères et de révoltes quand –par rapport à nos attentes – l’un de nos proches ne sera pas rentré à l’heure…
Voilà pourquoi je préfère infiniment le mot « sortie » qui pourrait avantageusement remplacer le mot « rentrée » dans la plupart des cas et nous donner une autre image de la vie. C’est bien entendu une question de point de vue.
Car enfin, je suis un jour sorti du ventre de ma mère ; le loup de La Fontaine guette sa pitance au sortir des rigueurs de l’hiver, c’est à la sortie de l’aéroport ou de l’autoroute que me cueillent les délices d’un séjour, d’une rencontre ou d’un paysage… et c’est bien parce que je suis sorti avec Anny un jour qu’on a pu en conclure à l’époque que nous partagions moult atomes crochus et que nous n’avions pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour être l’élu de l’autre et réciproquement…
Et s’il fallait me chercher, on me trouverait plutôt du côté des sorties fantasques et salutaires tous azimuts que dans l’insidieux sillon de la pensée unique et des formatages du moment qui m’obligeraient à rentrer dans le rang jour et nuit en dépit que j’en aie…
Mais qui sait : cette dialectique langagière de la rentrée et de la sortie peut accoucher d’une espérance… Imaginons un instant que cette rentrée de septembre ait pour jumelle la sortie de crise. Il suffit parfois de l’effort de chacun, si petit soit-il, pour changer le monde et métamorphoser les apparences contradictoires en harmonieuses complémentarités…
Ne me prenez pas pour un doux rêveur. Ce matin, si j’avais renoncé aux derniers coups de pédale, docile à la pression du vent et servile à ses rafales, je n’aurais pas découvert l’intense beauté de l’Étang de Vendres à marée haute. Borges prétend d’ailleurs qu’il suffit de déplacer une seule poignée de sable  pour changer le désert… ce qui veut dire que même dans l’environnement le plus hostile, rien n’est pire que le renoncement…
J’arrête là pour aujourd’hui ; je vais sortir : la vie m’appelle.
 
 
 
 
 
 
 
 

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Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
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Tel: 03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96