..Lundi 10 août. Chaleur caniculaire et sandwich au menu d’un repas frugal pris vers 11h30 avant de monter dans le Rodius direction le grau d’Agde. On a banni l’anisette aujourd’hui ; on se contentera d’une gorgée de vin blanc et d’un grand verre d’eau fraîche… Là-bas, sagement rangé le long du quai, le Provence III nous attend pour un après-midi de promenade sur l’Hérault, le canal du Midi et l’étang de Thau.
Nous l’aimons bien le Provence III : hier matin il nous emmenait à la pêche au maquereau au large du Fort de Brescou pour une séance d’effusions réitérées entre les mâchoires voraces des petits prédateurs bleutés et de sanguinolentes queues de sardines baignées en eaux moyennes au bout d’hameçons acérés. Nos mains maladroites et ensardinées se contentaient de ferrer et de mouliner, laissant à nos humaines mâchoires leurs frémissements jouissifs à chaque prise, promesse des manducations à venir…
Mais cet après-midi, encore plus jouissif que nous, le soleil va nous plomber sur le bateau, nous rôtir les mollets et les bras, surchauffer nos dérisoires casquettes…
Anny filme et photographie. C’est fou ce que les boîtes minuscules de sa caméra et de son appareil numérique peuvent stocker en vrac de mouettes, de chalutiers et de voiliers, de péniches, de ponts et d’écluses, de reflets des troncs d’arbres qui enserrent le canal ou d’échappées vers les horizons plus incertains de Sète et de Bouzigues à l’autre extrémité de l’étang de Thau qu’encombrent géométriquement comme des mikados bien ordonnés les parcs à huitres.
Au retour, pour nous récompenser, promouvoir les produits du cru, éviter la lassitude du déjà vu, nous faire oublier la dolente torture de la fournaise et mériter le pourboire escompté lors du débarquement, l’équipage se fend d’amabilités et nous propose de déguster huitres, vin blanc Richemer et bonbons, doublant la mise à chaque distribution… Et maintenant que nous avons aperçu Sète et son légendaire Mont St Clair, quoi de plus logique que de voguer au rythme des chansons de l’homme à la pipe qui dort au loin dans le cimetière marin bordé d’écume et de rayons…
Et là, pensée latente en soudaine effervescence dans cette fragile et labile harmonie des éléments et des paysages, image qui brusquement m’envahit en mille miroirs, je revois mon copain Alain et je comprends pourquoi il manquera à bord…
Il n’est pas sûr que ma mémoire soit un beau navire ni le radeau de la Méduse, il est même sûr qu’elle gomme beaucoup, bien davantage même que les mauvais écoliers, mais il est non moins sûr qu’elle ne te gommera pas, Alain : j’en ai eu la révélation en ce fortuit concours de circonstances… 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Chancres 03/08/09	Alain 11/08/09	Labels 22/08/09	Sorties 30/08/09