Au fil des jours…
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Vendredi 21 août. Qui
me connaît bien sait que j’adore les tomates, les citrons et les
pommes…
Les tomates rondes, grosses et
charnues ; les citrons oblongs à peau épaisse et bien grumeleuse
; les pommes acidulées et juteuses. On ne me vendra jamais de cochonnerie
en la matière. Pour les autres fruits et légumes, je reconnais
volontiers mon incompétence, plus ou moins relative selon les espèces.
J’ai l’œil exercé pour les agrumes, je progresse dans le choix des
pêches, brugnons ou nectarines, je reste un ignare rédhibitoire
dans le domaine des melons…
Donc, pour l’un de mes tropismes
estivaux – la tomate -, je me fie davantage à mes sens qu’aux panonceaux
léchés ou griffonnés des étals des magasins
ou des prétendus producteurs qui s’étalent le long des itinéraires
à touristes, aux abords des concentrations d’estivants ou nous surprennent
dans des recoins plus inattendus, comme si le voisinage de la cambrousse
valait garantie de naturel et de qualité.
Je ne suis donc pas du genre
à bêler béatement devant le mot « bio »,
exhibé partout, claironné comme le chant du coq, psalmodié
comme une prière miraculeuse… D’autant plus que mon porte-monnaie
en souffrirait infiniment plus que si je me risquais à faire brûler
des cierges aux saints intercesseurs pour obtenir quelques vertus
divines supposées roboratives.
Je doute fort que
l’assomption de Marie y soit pour quelque chose, mais les viatiques «
bio » se multiplient depuis le 15 août. Les marchands de fruits
et légumes prennent-ils la dernière vague de vacanciers pour
une armée de pèlerins ? Tenter de me vendre le kilo de tomates
à 2 euros sous prétexte qu’elles sont « bio »
alors que j’en trouve de meilleures, mûries au soleil du cru, à
0€70, c’est vraiment l’arnaque de l’été !
On m’objectera que le «
bio » donne moins de rendement ; j’en doute : mon gendre a acheté
dix plants de tomates, s’est fabriqué des tuteurs et a laissé
pousser au soleil (certes très généreux) en apportant
l’eau par un système de goutte à goutte… Résultat
: des dizaines de kilos de tomates grosses et charnues à souhait,
presque sucrées et gorgées de jus. Voilà ce que j’appelle
de la tomate bio et un rendement épatant ! On comprendra aisément
que je sois sceptique sur certains bobards dans l’air du temps… et d’autant
plus que régulièrement des études scientifiques viennent
infirmer celles qui voudraient que les qualités nutritives des produits
« bio » soient meilleures.
Je suis pour une agriculture raisonnée
et, par souci d’une existence raisonnable elle aussi, opposé
à toutes les formes de pollution ; y compris et surtout celles de
l’esprit.
Au risque de paraître
choquant ou cynique, je vous soumets cette interrogation et sa réciproque
: quand je serai à l’article de la mort, les asticots me bouderont-ils
parce que j’ai usé de sulfamides et autres substances chimiques
pour perdurer ? Aurai-je à mon tour la garantie de l’origine «
bio » de ces asticots qui me nettoieront de l’intérieur ?
Je suis sûr qu’il y a là un marché à exploiter…
Á l’ère des
labels, des certificats, des appellations, je revendique pleinement le
label « esprit bio » que j’oppose à « esprit formaté
» dont le dernier avatar n’est que la propension à se jeter
aveuglement sur le tout « bio » par conditionnement de la pensée.
L’ « esprit bio », je le retrouve chez ces Afghans qui
sont allés se faire labelliser, certifier, repérer en trempant
le doigt dans l’encre indélébile. Ils l’ont fait malgré
les menaces et les intimidations. Voilà l’esprit bio, voilà
la vraie vie, la vie d’hommes libres ! C’est autre chose que les déambulations
complices de consommateurs manipulés dans l’astucieux labyrinthe
du commerce conquérant…
Tentation...
Sur ce, je pars sacrifier
à la cueillette des amandes le long des chemins. J’ai vu leurs coques
vertes et duveteuses béant comme le vagin des parturientes, je n’aurai
qu’à broyer les noyaux déjà séchés et
durcis par le soleil pour en dégager la graine, l’amande proprement
dite, amère ou douce… Amère, elle est toxique pour l’homme,
et même mortelle à raison de quelques dizaines. Et pourtant,
qu’il me serait doux de me régaler d’amandes amères ! Et
qui me dit que celles que je jugerai douces ne sont pas à ranger
dans la catégorie « amères » ? En vertu de quoi,
si j’en consomme et si j’en meurs, cette « mort douce » sera
un bel exemple de mort « bio »…
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Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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