le 17/03/2011 - JP BOCQUET |
Au fil des jours…
Jeudi 17 mars 2011.
Les dieux de l’Olympe sont de retour. Ils tirent les ficelles, égoïstement,
cyniquement, outrageusement, uniquement soucieux de leurs intérêts
mesquins et mercantiles, de leur dix de der et de leur leadership. Que
la piétaille et la canaille se fasse étripailler en rangs
serrés dans cette affaire, peu leur chaut.
Je pensais Obama d’une autre trempe
que ses prédécesseurs. Je croyais que la présence
de la flotte américaine au large de la Libye manifestait la volonté
de faire respecter le droit face à la force aveugle. J’avais tort.
Elle n’est que la volonté de rappeler qu’en Méditerranée
comme ailleurs, rien ne pourra se faire sans l’aval de l’oncle Sam et sans
ses coups de sifflet. Mainmise stratégique, économique et
financière oblige. Depuis que les USA ont organisé une conférence
sur le droit de la mer à leur initiative et pour leurs intérêts,
ils peuvent légalement et militairement flotter et voler sur le
grand lac méditerranéen qui n’est jamais que leur base de
départ et de manœuvre vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Et qu’ils
n’aient aucun kilomètre de côtes sur les rives du lac en question
ne les gêne nullement. Je déplore qu’Obama puisse aussi se
laver les mains dans le brouet de Bush. Je mesure à quel point ce
fut une bourde pour la France de faire allégeance à ce dernier
dans l’affaire du commandement intégré de l’OTAN. Et si je
suis en phase avec les propos de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé
sur les mesures à prendre pour protéger les populations libyennes,
je constate hélas qu’elles restent lettre morte…
Je pensais naïvement que l’Europe,
continent de la religion de l’Amour, terreau des Lumières et de
la liberté, serait solidaire du peuple libyen. Autre naïveté
de ma part. On nous a rebattu les oreilles depuis des années avec
ce fameux projet de Constitution d’une Europe en réalité
servile,
impuissante et éclatée en ses Conseils. À quoi sert
le Parlement européen en la circonstance ? à rien, strictement
rien. On laissera la peste kadhafienne s’abattre sur un peuple, des Erinyes
blindées ou aériennes l’écraser dans le feu et le
sang comme si sa révolte justifiée et légitime contre
le tyran était péché de démesure. Et puis on
ira se scandaliser devant les charniers, on condamnera pour le principe
le voyou de notre Olympe contemporain tout en négociant de nouveaux
contrats commerciaux auxquels ne rechignera nullement la récalcitrante
Angela.
Chacun l’a bien compris : la grande
famille de l’Olympe contemporain, la sainte famille où la Chine
a pignon sur rue ne tient pas à ce qu’un ordre nouveau s’instaure
en Méditerranée, basé sur le respect réciproque
et le destin commun de pays qui construisent ensemble leur avenir dans
un monde multipolaire. On préfère s’accrocher à des
préjugés et des jugements globaux sur l’Islam, le pétrole
et les émirs. Que n’eût-on été avisés
d’accepter dans leur diversité et leurs particularités les
peuples frères de l’autre rive ? De mesurer à quel point
l’Égypte si pacifique était aussi si famélique ? Nous
avons préféré nous obstiner à remplir nos réservoirs
dans l’acquiescement tacite aux bains de sang.
La première des règles
serait de remplir le réservoir à son juste prix, comme d’autres
sucrent leur café au prix du sucre, sans spolier ceux qui nous l’offrent
généreusement depuis des décennies mais sans se faire
spolier par les spéculateurs ou les taxations indues…
En attendant, l’infini paysage
des sables libyens n’est qu’un champ de fumeroles et de sang, la lèpre
atroce d’un crime partagé contre l’humanité. En attendant,
la catastrophe nucléaire sème sa mort lente au Japon, après
la catastrophe visible du tsunami.
Plutôt que d’instrumentaliser
ces catastrophes ou de jouer aux veilleurs de nuit, nos leaders politiques
devraient agir avec humilité, lucidité et courage. Pour l’instant,
certains camouflent, d’autres exacerbent les paniques, d’autres encore
murmurent « courage, fuyons ! ». La plupart, préférant
s’aveugler, affichent la tranquille assurance de Paul Reynaud en 1940,
juste avant le désastre, quand il claironnait : « Nous vaincrons,
parce que nous sommes les plus forts. » Aujourd’hui encore, ce type
de raisonnement ne saurait conjurer les menaces évidentes.
Face aux défaites annoncées
qui se profilent si nous continuons ainsi dans l’indifférence et
l’égoïsme, spectateurs indécents et angoissés
des effets pervers de nos propres errements, une autre attitude s’impose.
Sinon, la prophétie de Nietzsche
risque bien de se réaliser : « Qui veut encore gouverner ?
Qui veut encore obéir ? Ce sont deux choses trop difficiles… Point
de berger et un troupeau… » Heureusement, dans ce monde de déshérence,
il nous restera Kadhafi…
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Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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