le 17/03/2010 - JP BOCQUET
Au fil des jours…














          Mercredi 17 mars. J’ai cru pendant longtemps que quiconque s’intéressait à la chose publique maîtrisait le vocabulaire de base. Être délégué syndical ou politique implique au moins d’analyser le discours et les écrits de ceux que vous soutenez ou de ceux que vous combattez.
Plus le temps passe et plus je m’aperçois que je m’étais lourdement trompé. Je n’en donnerai que deux exemples.
Il paraît (avec l’accent, sinon c’est une figure d’escrimeur) que je recours parfois à des mots trop savants pour le commun des mortels. Un tract politique devrait se réduire en quelque sorte à une feuille vierge d’une couleur particulière. Ainsi donc au printemps on voterait vert, rouge, jaune ou bleu l’été, blanc en janvier, etc. Cette symbolique pour analphabètes fut utilisée ailleurs et autrefois avec les intentions et le succès que l’on sait. J’ai toujours pensé quant à moi qu’une feuille vierge était destinée à être aussi harmonieusement remplie qu’une femme du même acabit, fût-ce du Verbe divin. J’ai tort ; on me l’a fait comprendre. Je risque ainsi de « dévaluer » mes lecteurs potentiels si j’en crois le commentaire éclairé que m’adressait naguère un prétendu spécialiste de la communication politique. J’ai depuis rayé « dévaloriser » de mon vocabulaire et pleinement saisi comment l’on pouvait acheter des votes pour dix euros puisque l’on réduit les hommes au rang des petits billets de nos monnaies fluctuantes.
Tout dernièrement, j’ai découvert par la voix outrecuidante d’un petit camarade qu’en matière d’opérations électorales, les verbes « dépouiller » et « scruter » étaient synonymes. On allait « scruter », arrêter de « scruter », recommencer, bref ouvrir les enveloppes et compter les bulletins. Ce soir-là, j’ai donc « scruté » l’horizon en quête des bulletins ailés des abstentionnistes dont mon petit camarade prétend que ce sont ceux qui s’abstiennent de manger du pain électoral. Je lui concède cette métaphore. Mais, pour le reste et jusqu’à preuve du contraire, il y a des scrutateurs qui dépouillent le scrutin en procédant au décompte des suffrages. Qu’ils en fassent un examen minutieux et attentif pour en vérifier la régularité et déceler les éventuelles anomalies, nul ne le conteste. Pour autant, ils ne se prennent pas pour la sœur Anne et font bien le départ entre scruter l’horizon ou le visage de l’autre et dépouiller un scrutin.
Feu mon grand-père paternel était un passionné de politique. Il avait appris à lire et à écrire à l’école publique à l’époque du sabot. Il s’avérait pourtant capable de rectifier de lui-même dans les journaux les mots que maculaient les coquilles, les fameuses coquilles des machines ou des typographes, sources de significations fautives souvent cocasses. Et son époque valait amplement la nôtre. J’ai beau en scruter scrupuleusement les ressorts sociaux et culturels, je ne vois rien qui puisse « dévaloriser » ceux que l’école y émancipa en les rendant capables de maîtriser les mots des autres. Ils savaient résister à ces coquilles de l’esprit qui dévalorisent tant de nos contemporains au point de les « dévaluer » dans leur arrogance et leur forfanterie. La savante ignorance, tel est l’oxymore prégnant du siècle qui commence.
Car enfin, appliquons la coquille à la coquille, collons-la lui dans le « Q », et nous obtenons le mot le mieux référencé de la langue française, le mot « couille ». Le mot est d’origine latine et désignait un petit sac de cuir (pour y glisser la monnaie dévaluée ? ou les spermatozoïdes ramollis ?). Des couilles molles aux coquilles vides de l’esprit, on finira bien dimanche prochain, ayant « scruté » tout en étant « dévalués », par l’avoir dans le c…
Mais comment s’étonner alors si l’esprit civique se barre en coquilles ?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Total(e) indifférence 05/03/10
Femme 09/03/10
Prières 15/03/10
Coquilles 17/03/10
Francophonie 26/03/10
 
 
 
 
 
   
 
   

 
 
 

Retour en Page Accueil

Retour au fil des jours


Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
13 allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel: 03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96