Au fil des jours…
Vendredi 25 décembre. Inutile de vous présenter la célébrité
du jour : depuis plus de 4000 mille ans nous le promettaient les prophètes
quand il est né et depuis plus de 2000 ans c’est fête le 25
décembre. Jésus – puisqu’il faut l’appeler par son nom –
crèche un peu partout.
Jésus signifierait littéralement
« Dieu sauve », et c’est paraît-il un prénom courant
en Galilée à l’époque de sa naissance, c’est-à-dire
en -7 à -5 avant notre ère. Barrabas portait le même
prénom mais comme il se contentait de truander plutôt que
de dire la vérité, personne n’a voulu sa mort.
Quand on veut donner une identité
à Jésus, on dit qu’il est de Nazareth. Il est donc de Nazareth
comme il aurait pu être du bois, du pont, du moulin ou de la rue
ou encore van denbussche, du breucq, du hem, van hille, van hazebrouck,
etc. Par respect pour la paille où il vagit, il eût mieux
valu l’appeler Delétable. Il y a bien des Delécluse et des
Deléglise…
Voilà pour l’identité
: un prénom suivi d’un mot qui renvoie à l’origine spatiale
ou à un trait physique (on aurait pu avoir Jésus le grand,
le gros, le roux, le noir, le gras, le bègue, le jeune, cornu, courte
cuisse, le borgne, le beau, que sais-je encore ?). On y va parfois des
qualités morales (le bon, le doux, le franc) ou sociales (le noble,
de rike, le comte, le vasseur, varlet). Le moyen le plus éprouvé
est cependant de renvoyer au père : on est ainsi fils de, ben quelque
chose. Mais ce dernier moyen était problématique en ce qui
concerne Jésus. Fallait-il l’appeler Jésus ben Youssef ou
Jésus ben Yahvé ?
Il est clair que le Jésus
que célèbrent les chrétiens fut à la fois et
dès sa naissance un migrant, un S.D.F., un pauvre petit rejeton
recherché par toutes les polices, un proscrit de la vie que seul
le dessein de Dieu protégea d’une mort au berceau, lui octroyant
un sursis de 33 ans. Au moins eut-il la chance d’avoir une famille pour
l’accueillir et pour l’aimer ! Combien de Jésus n’eurent pour berceau
que le bord d’un fossé, livrés à la vermine, rejetés
avec leurs mères éplorées par ces brutes instinctives
ou policées qui considèrent que les hommes ont tous les droits,
y compris celui d’engrosser en toute impunité avant de répudier
en tout honneur.(Voir Nativité,
Jean
Richepin.)*
S’il est bien vrai que Jésus
est le fils de Dieu, gloire à Joseph d’avoir adopté cet enfant
né sous X et de père inconnu ! J’aimerais bien le rencontrer
ce père souverain, déjà spécialisé dans
la fécondation in vitro et les banques de sperme. Se pose quand
même une question métaphysique : Marie n’est-elle qu’une mère
porteuse ou bien le divin liquide séminal a-t-il fécondé
l’un de ses ovules ?
Donc ce migrant S.D.F. et proscrit,
né de père inconnu et de mère en CDD procréatif
a officiellement une identité même s’il n’est pas sûr
qu’il soit de Nazareth, nazaréen signifiant plutôt : «
qui respecte la Loi (juive), qui obéit à Dieu ». Pour
ce qui est de l’identité nationale, j’ai bien quelques idées,
mais j’en ferai part ultérieurement…
J’en arrive à ce que Dieu,
ce grand fumeur de havanes et grand fan de Serge Gainsbourg, nous cache
depuis plus de 2000 ans mais que les Mages, rois, prêtres et éminents
scientifiques à la fois, découvrirent le jour de l’épiphanie
bien nommée : Jésus était myopathe. Jamais il ne marcherait
sur l’eau ; jamais il n’accomplirait le chemin de croix ; jamais il n’aurait
la chance d’atteindre ses 33 printemps.
Dieu, qui connaît tout, savait
bien de quelle myopathie il s’agissait, qu’elle porterait un jour le nom
de Guillaume Duchenne, qu’elle touchait essentiellement les garçons,
qu’elle était en rapport avec l’un des gènes du chromosome
X.
Excepté Dieu et les Mages,
personne ne sut rien de l’affaire, ni Marie ni Joseph, ni Hérode
ni Pilate, ni les sanhédrins ni le centurion romain, ni Marie-Madeleine
ni Judas Iscariote, ni Luther ni Calvin, ni Nietzsche ni Pierre Bergé…
Rien ne devait contrecarrer le plan de Dieu même s’il avait du plomb
dans l’aile, il fallait que Jésus soit crucifié, descende
aux enfers, ressuscite et monte s’asseoir tout là-haut pour venir
juger les vivants et les morts.
Dieu avait commis une erreur, péché
par inadvertance, fermé les yeux une fraction de seconde en fumant
son cigare, s’était laissé griser par des volutes bleutées
de fumée… et pendant ce temps, Gabriel sous l’empire de Satan, avait
bâclé l’annonce faite à Marie pour se donner du bon
temps ailleurs dans d’autres annonces plus salaces… Il aurait même
assisté à un concert de Johnny parce qu’il avait entendu
une voix virile tonitruer « Gabriel ». Gabriel ou Gabrièle
? Rompu aux oracles divins mais illettré (il ne savait en effet
ni lire ni écrire, pas même épeler) et voulant jouer
à l’égrégore (ce qui n’était pas dans ses attributions),
il alla s’unir à une fille de Seth, préférant de loin
son petit mont de Vénus au mont Hermon. Il la connut bibliquement
parlant et il la posséda.
Mais qui avait refilé le
gène à Jésus ? Pourquoi pas Marie ? On a beau être
vierge et concevoir immaculée, on a les gènes qu’on peut…
Joseph ? Mais alors le fils de Dieu ne serait que le fils de l’homme
? Pourquoi pas ? Dieu lui-même ? C’est la solution la plus plausible
: la perfection n’est pas de ce monde mais la maladie de Duchenne n’est
ni une tare ni une imperfection, c’est une variable parmi d’autres dans
l’invariant de la chair et quand le Verbe se fait chair, c’est autrement
plus compliqué que quand il reste au chaud sur son petit nuage,
se contentant de créer et de se reposer.
Dieu qui s’en voulait de sa négligence
mais qui a réponse à tout, créa sur le champ un clone
de Jésus qui accomplit à la perfection ce pourquoi il était
programmé, sublime jusqu’au bout dans son rôle de sauveur
de l’Humanité, impeccable dans la scène tragique du Mont
des Oliviers, n’est-ce-pas Eloïm ? Il accepta même de gaieté
de coeur que tu l’abandonnes puisque tu lui garantissais les RTT éternelles,
c’était stipulé dans son contrat.
Les Mages n’étaient pas
satisfaits de la solution de Dieu. Comment en effet se satisfaire d’un
pis-aller ? Être omniscient, pouvoir en remontrer de toute éternité
à Erwin Chargaff sur la structure de l’ADN, maîtriser de A
jusqu’à Z les manipulations génétiques, pérorer
mieux que quiconque sur la mutation récessive du gène DMD
sur le chromosome X et ne pas éradiquer la myopathie de Duchenne
? Quel scandale ! Pour le commun des mortels, tout ça c’est de l’hébreu
; mais pour Dieu c’était un jeu d’enfant. Et dire qu’il avait opté
pour le clonage sous prétexte que ce qui est écrit est écrit
et doit s’accomplir. Il lui suffisait d’abolir, de produire un discret
miracle sur la personne de celui qui n’hésiterait pas à dire
aux autres : « Lève-toi et marche… » Les Mages n’approuvaient
pas cette lâcheté de Dieu et n’étaient pas loin de
le prendre pour un irresponsable…
Reste que chercher l’inspiration
dans un havane c’est aussi grave et mortel que de croquer la pomme de l’arbre
de la connaissance : et c’est ainsi que depuis plus de 2000 ans Dieu s’est
lui-même évincé du Paradis céleste, attendant
que nous le sauvions chaque jour qu’il fait en accueillant les autres tels
qu’ils sont et quels qu’ils soient. Dieu sait que parfois, recrus de souffrance,
de malchance ou de misère, ils peuvent être tentés
de désespérer de Lui, mais il sait aussi que nous avons une
mission sacrée : qu’ils ne désespèrent jamais de nous…
Dans sa crèche étoilée,
Jésus myopathe nous sourit : il a confiance en l’œuvre que nous
ne cessons d’accomplir. Sur l’autel de nos mains luit la flamme d’un monde
meilleur et plus éclairé… Avec un peu d’amour et beaucoup
de travail, tout est possible.
*Nativité,
Jean Richepin.
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Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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