Au fil des jours…
Samedi 12 décembre. Un air soudain plus frais a pris possession
des Ramblas de Barcelone, abandonnant l’architecture colorée de
Gaudi aux hésitations d’un ciel laiteux. Les passants qui déambulent
en quête d’achats pour Noël se mêlent aux touristes cosmopolites
enclins à baguenauder ou à emprisonner dans camescopes et
appareils numériques tout le pittoresque ambiant. Cette foule chatoyante
et pacifique s’attarde à l’occasion devant la pantomime des statues
vivantes qui incarnent tous nos fantasmes, de l’envoûtante femme-araignée
au cow-boy brut de brut…
Du coup, blasé d’hidalgos
hâbleurs, je repense à mon cow-boy Johnny enlisé dans
les sables du coma, cloué sur un lit de souffrance dans un hôpital
de luxe de son Amérique à lui.
Et lui, à qui pense-t-il
la nuit dans son lit, ce Johnny qui s’ennuie ? Á Sylvie ? Á
Nathalie ? Á Laetitia ? Á ses primes amours ? Va savoir !
Pense-t-il d’ailleurs, coconné dans son coma lénifiant, oublieux
de sa hernie maligne et de son infection nosocomiale ?
On aurait pu le soigner n’importe
où, comme vous ou moi, mais il a préféré son
Amérique à lui. Modeste et tranquille ? Dans un petit studio
? Avec quelques vélos rouges et des bouteilles de lait ? On aimerait
poser ces questions à Line Renaud ou Patrick Bruel qui ont fait
le détour… En tout cas, l’hôpital où somnole ce soldat
qui s’ennuyait tout seul n’a rien du Bronx.
Mon beau Johnny un peu fané,
mon vieux chamane désintéressé qui vole d’album en
album et de tournée d’adieu en tournée d’adieu, te voici
devenu une simple cotation entre les mains avides de tous ceux qui s’enrichissaient
grâce à toi et qui ne voudraient pas laisser quelques plumes
à cause de toi !
Finalement, rompant tes balancements
entre le France et la Suisse, ton 50/50 héroïque entre l’amour
du public et le sens de tes économies, ton Amérique à
toi t’a invité pour passer Noël, mais je doute fort que ce
soit au Tennessee.
J’arrête là ma réflexion.
On nous bassine suffisamment sur ton cas aux actualités télévisées
et dans les journaux : il faut croire qu’en fauteuil roulant, boursouflé
et comateux tu fais encore vendre. Et c’est paradoxalement le sommet de
Copenhague sur le réchauffement climatique qui rétrograde
en fait divers…
Je te laisse ton Amérique
à toi que tu nommes Liberté ; je me contenterai de passer
Noël dans ma France à moi que je nomme aussi Égalité
et Fraternité. Ma France à moi est telle que je la rêve,
c’est celle de la Sécu et de la carte vitale. Elle vaut bien ton
Amérique à toi…
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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