Au fil des jours…
Vendredi 29 janvier. C’est reparti ! L’encombrant président
de la fœtale Septimanie aurait encore dérapé.
Après ses propos racistes
sur les Harkis et les footballeurs de l’équipe de France, voici
qu’il s’en prend à Laurent Fabius, raillant les origines juives
de ce dernier. Georges Frêche affiche ainsi une bien curieuse conception
de l’identité nationale, ce qui prouve –soit dit en passant – que
ses alliés politiques (à défaut d’être ses amis
politiques ?) eussent été bien inspirés de participer
à un débat qu’ils boycottent : au moins auraient-ils pu utilement
rappeler que notre République est une terre de métissage
et d’intégration, qu’elle laisse chacun de ses citoyens libre de
croire ou de ne pas croire, qu’elle ne lie pas la nationalité de
ses ressortissants à une couleur de peau, une religion privilégiée
ni un statut historique. Au lieu de fustiger Éric Besson avec des
méthodes et des slogans pas très éloignés des
slogans et des méthodes de ceux qui brûlaient les livres sur
les places publiques, ils auraient ainsi condamné par avance les
dérives intellectuelles et morales de leur silo à voix. Car
le problème est là pour nos chevaliers blancs : comment ne
pas se priver des voix de dizaines de milliers qui votent Frêche
? Créon ou Antigone ? Les valeurs ou le pouvoir ? La probité
ou les mains sales ? Telles sont les alternatives auxquelles ils voudraient
échapper…
En attendant, Éric Besson
a consigné dans un ouvrage qu’ils auraient pu signer mais qu’ils
feignent d’ignorer et passent sous silence, ce qu’ils devaient prendre
à leur compte et qui eût été à leur honneur.
Vous me direz que les mots ne sont
pas les actes et j’en conviens aisément. Et d’ailleurs, les mots
ne sont rien, seules comptent leurs significations. Éric Besson
fait de la politique. Il sait sciemment qu’on en fait pour agir ou témoigner,
par ambition et goût du pouvoir, par narcissisme, par plan de carrière
et sens des affaires, etc. Il sait donc que dans ce monde féroce
où il y a beaucoup d’appelés et moins d’élus, les
luttes fratricides font rage et que choisissant le parcours qu’il a choisi,
il endossait forcément la panoplie du bouc émissaire.
Au fond, la politique politicienne
(puisque la vraie – qu’on ne voit plus guère – c’est l’art et seulement
l’art de gouverner la cité) est à l’inverse de cette volonté
de vivre ensemble qui fonde la citoyenneté et définit le
mieux l’identité française. Comme l’écrit Saint-Exupéry,
« Si tu diffères de moi, loin de me léser tu m’augmentes.
»
Laissons nos politiciens à
leurs parties de chaises musicales : elles ne mériteraient même
pas un commentaire dans la presse ! Le plus grave pour notre démocratie
est ailleurs. Il est dans la disparition de l’esprit critique et de la
liberté de conscience.
Revenons en effet à notre
patelin Georges Frêche qui exhibe un ouvrage de Claude Duneton et
se retranche derrière l’autorité linguistique de ce spécialiste
des expressions françaises. En réalité il sait bien
qu’il excite le « refoulé » de ses électeurs
quand il profère ce qu’il profère. Il sait bien qu’il engrange
des voix. Il sait bien qu’en temps de crise de tels propos sont porteurs
par leurs connotations latentes. Il le sait ! Mais, hypocritement, il rappelle
que les mots n’ont que le sens qu’on leur prête et que donc il n’a
pas dit ce qu’il a dit. Ah ! le fin lettré…
En ces temps de Carnaval j’imagine
un instant Georges Frêche condamné à connaître
la misère sociale, les sifflets et les injures, la misère
des camps et la tristement célèbre charrette d’infamie médiévale
; je l’imagine dans les trains de la mort, marqué du sceau de Salomon
; je l’imagine à Auschwitz, privé des ouvrages de Duneton
et soumis à quelques inscriptions cyniques ; je l’imagine aphone.
Il comprendrait peut-être qu’on ne peut pas tout réduire à
de la mascarade.
Les sociologues et les psychologues
nous expliquent à l’envi la violence par l’absence de maîtrise
du langage. Sans les mots pour le dire, ce sont les coups qui triomphent.
On doit alors déplorer que ceux qui maîtrisent les mots les
manipulent pour inciter à la violence.
J’invite donc Georges Frêche,
président de la région Languedoc-Roussillon et grand consommateur
de Claude Duneton, à prendre en considération la variante
« aller de conserve » pour « aller de concert »
qu’on trouve dans les expressions retenues par cet auteur. Cela lui mettra
la puce à l’oreille, l’incitera à l’harmonie et l’inclinera
à ces conserves sétoises qui font le bonheur des touristes
et des vacanciers. Qu’il aille donc déguster une bonne brandade
de morue ou des bouquets autres que celui du titre de l’ouvrage qu’il arbore
comme la bible du bon pénitent. Car, en attendant, et même
s’il escompte la relaxe des tribunaux des hommes pour ses insanités,
le tribunal d’un autre Georges (Brassens, bien entendu, poétiquement
endormi au cimetière marin de Sète pour les siècles
des siècles) le relègue déjà dans ce royaume
dont il deviendra sûrement le roi indétrônable…
Espérons simplement que
la Madone implore pardon pour lui !
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Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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