La route du Rom
Je suis le scrofuleux, je suis la
chose immonde ;
On me traque, on me fuit, on m’interdit
le monde ;
Et banni de partout j’ai grandi
par hasard
Comme un errant galeux nourri de
désespoir.
Je suis l’enfant flétri des
chemins assassins
Où s’étiola ma mère,
où s’alanguit son sein ;
Et quand tombe le jour, que se
croisent les ombres,
Je suis l’évanescent des
recoins les plus sombres.
Je suis sans le savoir, placardant
mon regard
Et mon corps en décor, aux
carrefours hagard ;
Sans amour, sans pays, familier
des poubelles.
Je vis de détritus, soumis
aux salmonelles.
Je suis ce que je suis, l’animal
émissaire
Coupable d’exister, d’afficher
ma misère
Et d’encombrer hélas la
conscience en stand by
De ces ventres repus au confort
de canaille.
Je suis romanichel, romani, pauvre
rom
Chargé de tous les maux
; je suis pourtant un homme,
Un frère en Jésus
Christ si j’en crois les chrétiens ;
Et malgré mon désert,
mes désirs sont les tiens.
Je suis l’exclu, le réprouvé,
l’indésirable ;
Je n’ai jamais foulé la
paille de l’étable,
Illégal décrété
par ceux que je dérange,
Et pendu haut et court dans leur
sourire étrange.
Ah ! si j’étais yankee, chinois
et plein aux as,
Enfant du CAC 40 ou bien d’amours
salaces,
J’aurais droit de cité sur
la place publique
À côté des
nantis aux fortunes obliques.
Mais enfin mon ami, s’il faut que
je le dise,
S’il me faut te céder un
peu de ma franchise,
S’il me faut sur la route où
s’épuisent mes pas
Le crier aux furieux qui rient
de mon trépas,
Nous n’avons qu’une vie et nous
mourrons un jour,
Embarqués tôt ou tard
sans le moindre recours
Vers la rive insensible aux nationalités
Et, vers, nous mêlerons nos
corps entrelacés.