Au fil des jours…
Jeudi 22 octobre. Cela fait plus
d’un mois que je n’ai rien noté dans cette rubrique. Les jours ont
filé trop vite, bariolés d’activités dérisoires
ou importantes, de pluies importunes ou de ciels lumineux, de contraintes
ou de négligences.
J’ai collé à l’écume
des choses en égrenant le chapelet de mes vanités, endossant
les livrées de mes emplois farcesques, me répandant çà
et là en jouant à l’élu, au membre d’un jury pour
l’élection d’une miss, au militant associatif responsable et zélé
philanthrope, au maladroit cueilleur de pommes, etc.
Et pendant ce temps, la bulle médiaticopolitique
s’est complu dans le vide infernal de nouvelles polémiques, hydre
de Lerne de l’opinion publique lobotomisée. J’ai pensé qu’il
fallait traiter tant de vacarme par le silence.
Mais aujourd’hui 22 octobre, jour
anniversaire de la mort de Guy Môquet, je me risque à quelques
réflexions. Non point sur la controverse, qu’elle soit pédagogique
ou institutionnelle : de toute façon, même fonctionnaire,
le Français est frondeur par tradition. Il est cependant des périodes
historiques où cet esprit de contradiction et de contestation eût
pu se manifester plus rapidement et plus unanimement… Á contester
sans péril, on conteste sans gloire. J’observe simplement que compte
tenu de la lourdeur des programmes d’histoire de 1ère, il faudrait
prolonger les cours jusqu’en août pour étudier la Résistance
ou que, quand ladite étude est esquissée en juin, elle est
triplement massacrée par la conjonction du temps qui passe, du temps
qu’il fait et du temps des examens…
Revenons à Guy Môquet,
fusillé à moins de 18 ans. Par rétorsion et pour l’exemple.
Par barbarie. Pour intimider. L’Occupant ne s’est guère soucié
de son âge ou de son niveau d’études pour le rajouter sur
la liste des promus à la fusillade. En sélectionnant des
Juifs et des communistes pour « protéger les bons Français
» (sic), l’Administration Collabo donnait pourtant déjà
un bel exemple de la lâcheté, de la bestialité et de
l’ignominie dont est capable notre cerveau reptilien. Comme quoi les tentacules
des forces du mal commencent à se dérouler dès que
nous cédons aux ténèbres. Le jeune Guy Môquet,
lui, a refusé le bandeau au moment de mourir et, dans la lettre
déchirante de simplicité, d’amour et d’humanité qu’il
a laissée aux siens et à notre conscience, exprimé
l’espoir que sa mort serve à quelque chose. Eh oui ! mon cher Arthur
(Rimbaud), « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans
» mais on sait parfois regarder la mort en face, sans peur et sans
reproche, digne et responsable.
Guy Môquet avait un idéal
: il rêvait d’un monde plus juste et plus fraternel. Il pensait que
le communisme pouvait y mener. Qui pourrait le lui reprocher ? Il fut une
innocente victime des atermoiements momentanés du PCF et de son
alignement sur les décisions de Staline ; il fut une innocente victime
de la vindicte des autorités françaises de 39 contre cet
alignement ; il fut une innocente victime de l’idéologie nazie.
Je souhaite que le souvenir de sa mort soit utile comme catalyseur de notre
lucidité et de notre vigilance dans un monde où l’ignorance
de la jeunesse nous arrange trop souvent, dans nos amnésies volontaires
et nos confortables hypocrisies. Et je m’étonne que ceux qui voudraient
zapper la lecture de sa lettre sous prétexte qu’une fois encore
on privilégierait l’émotion au détriment de la réflexion
(je flaire le mensonge et de mesquins motifs) soient précisément
ceux qui jouent quotidiennement sur l’émotif pour de multiples raisons…
J’invite chacun à retirer
le bandeau de ses propres complaisances.
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au fil des jours
Jean-Pierre
BOCQUET
Professeur
de Lettres retraité
Conseiller
municipal
13
allée des églantiers 59229 TETEGHEM
jpbocquet@aliceadsl.fr
Tel:
03 28 26 17 23 - Portable : 06 22 15 88 96
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