Au fil des jours…
1.
Quand février viendra, juste
avant le carême,
Sur l'autel et l'étal des
carnes qu'on encense
Sur les fonts baptismaux, bravant
les anathèmes,
Un thriller j'offrirai, d'angoisse
et d'indécence.
2.
À l'angle des labours, d'un
stylet vermillon
Dans l'écrin du Royaert
j'ai gravé mon thriller
Et non loin des Royaerts, rouges
rhétoriqueurs,
J'ai parfumé de crime le
soc et le sillon.
3.
Sur la digue à Malo notre
assassin stratège
Arbore innocemment son profil anodin
Et se fige en miroir des madones
qu’il piège
Les berçant de désirs
jusqu’au moment soudain.
4.
Des fous emportements qui chantent
ses victimes
Mon esthète assassin m’a
susurré les rimes,
C’est lui qui, souverain, célébrant
chaque crime
Burine ce thriller où ma
plume s’arrime.
5.
Ce quatrain quotidien qui ne nourrit
personne
Est comme un coup de com, une chorégraphie,
Comme un progestatif qu’aux lecteurs
je confie
Pour fêter le thriller que
Ravet nous bichonne.
6.
Des mots enchevêtrés
essartant ma mémoire,
J’ai fleuri la ramure et les arborescences
Du crime en frondaisons, de l’ADN
notoire
Qui tissent mon thriller promis
à la naissance.
8.
Commissaire atavique aux tendres
commissures
C’est à la fin des mots
que le sens apparaît
Que le mal ou le bien se dessinent
d’un trait
Et qu’un air de thriller commet
ses forfaitures.
9.
Comme vous, comme moi, le tueur
que j’enfante
Ne se connaît vraiment que
dans ses obsessions ;
Et même s’il occit la reine
ou bien l’infante,
Il lui faut avant tout le faire
à sa façon.
10.
J’ai commencé la phrase,
j’ai marmonné le mot
D’où surgit le pervers du
crâne d’un marmot
Naguère si câlin et
même si aimable…
Mais l’enfer est toujours au centre
de la fable.
11.
Ô jours écervelés,
semaine de délire
Où dieu forgea le
monde et tout le saint frusquin !
Est-ce Dieu qui pourtant nous forgea
l’assassin
Et l’homme si pervers ? Aux lecteurs
de le dire.
12.
Si ma douce Florence, au Royaert
héroïne,
Était un talisman, un brin
de marjolaine,
Pour arracher Florence aux geôles
mexicaines,
Aux geôliers j’offrirais
mon thriller en sourdine.
13.
Au fond du labyrinthe où
gît ce que nous sommes,
Le monstre abasourdi de nos songes
malsains,
Je suis allé fouiller l’ambivalent
syndrome
Qui nourrit le polar : le crime
et l’argousin.
14.
Prenez un Tartempion pétri
d’insignifiance
Mettez à mijoter l’avorton
prédateur
Sa panse farcissez d’un tropisme
de transe
Voilà de quoi servir des
tranches de thriller.
15.
L’aliboron Delambre en son commissariat
Sous le poids des arias se cabre
et se démène.
Pour cet âne qui brait, j’ai
commis les arias
Du macabre opéra d’un assassin
amène.
16.
Émule de Tintin, et d’un
flair de Milou,
L’astucieux Dubois dans l’enquête
s’immisce ;
Pour coincer le coupable il agit
en coulisse
Et tend les traquenards où
s’enferre le loup.
17.
Un thriller pimenté a tout
d’une entrecôte
Que le lecteur dévore, et
son œil insatiable
D’intrigue et d’enquêteur,
de coupable à la table,
Se repaît du suspens que
cuisine son hôte.
18.
Effeuillant du thriller chaque
page gravide,
Le lecteur à l’affût
s’absout de sa méprise,
Car le vrai prédateur, autant
qu’on se le dise,
Plus que le psychopathe est le
lecteur avide.
19.
Un vieil air de Souchon comme une
cavatine
Se fredonne à Malo, à
Bray-Dunes s’envole…
Mieux vaudrait ce refrain aux lèvres
assassines
De mon serial killer que pieuses
fariboles.
20.
A Hegel, qui affirmait que le mal
est autant dans notre regard que dans le monde alentour.
Hegel, si tu voyais les carnations
exquises
Qu’écorche mon killer, bariolant
à sa guise
Ses macabres tableaux, tu t’enfuirais
hagard,
Philosophe effaré, maudissant
ce regard.
21.
Secret cérémoniaire
à l’antre des encens,
Le manque a façonné,
fossilisé ton rêve.
Le sexe en déshérence
et l’obsession sans trêve
Frelatent ta prière en sacrifiant
le sang.
22.
L’on dit le chat cruel, satanique
on le nomme,
On le pressent pressé de
fossoyer les tombes ;
Mais ce sphinx cauteleux habile
en hécatombes
N’a rien de ce killer qui sommeille
en tout homme.
23.
Sous l’esquif du récit qui
vogue à l’aventure
Promis aux vents mauvais et loin
de ses amarres
Le maelström prend au mot
l’écrivain qui le narre
Creusant le flot malsain où
l’assassin perdure.
24.
Au festin du thriller, les mots
en ribambelle
Ripaillent en riant, convives de
luxure,
D’angoisse coruscante et de cuissots
de belles…
Et se goinfrent les mots sans souci
de censure.
25.
Sourcilleux zélateur du
temps de l’Ecclésiaste,
Mon pervers scrupuleux un temps
pour tout proclame
Et s’arroge en chantant un temps
pour chaque femme
Qu’il consacre à la mort
sous le ciel enthousiaste.
26.
Le crâne est un sépulcre
où lentement pourrissent
Des bonheurs entrevus les rameaux,
les esquisses ;
La sanieuse obsession de partout
le lézarde,
Figurant au pervers la royale camarde.
27.
Sur l’étal du pervers fleurissent
à foison
L’article de la mort et ses sombres
poisons ;
Et ce bel éventaire a ses
exhalaisons
De couronne macabre aux sinistres
raisons.
28.
La cruauté, l’inceste et
l’ignoble cortège
D’orgie et de noirceur, d’antiques
bacchanales
Ne sont que faible écho,
prélude au florilège
Qu’un tueur déjanté
promet à nos annales.
29.
Comme un os à ronger, ce
quatrain que je lance
Aux limiers du matin cèle
encore un indice
Et sa moelle a de quoi, criminelle
substance,
Alimenter l’enquête aux errances
propice.
30.
(S’il lisait ce quatrain, il se
reconnaîtrait)
Usant du mot qui sied et du pervers
idoine
De Maître Capello mon thriller
s’autorise ;
Les coups de l’assassin que le
style dédouane
Valent mieux qu’au jaloux son insigne
bêtise.
31.
Sans les tas de raison de la raison
d’état,
C’est l’unique raison d’arraisonner
l’inique
Qui fait débat de mort de
l’amour sans ébats.
Le cynique assassin, c’est l’assassin
scénique.
32.
Si le préfet des mœurs croisait
mon assassin
Il tresserait couronne au roi des
apparences,
Accordant son blanc-seing aux silencieux
desseins
Du Tartuffe affairé à
tuer en silence.
33.
Le lecteur omniscient de mon thriller
atroce
Sait tout de mes ressorts mais
n’en maîtrise aucun.
À moi de décider
le train de ce carrosse
Où l’amour et la mort enlacés
ne font qu’un.
34.
Quand le divin marquis derrière
ses barreaux
Rêvassait comme un moine
aux sadiques sévices,
Il songeait qu’un tueur aux plaisirs
subreptices,
Pétri de componction, s’en
ferait le héraut.
35.
Tout est drogue aujourd’hui, addiction
tyrannique .
L’invisible chimie imprime ses
fantasmes.
Le tueur asservi régenté
par ses spasmes
Est l’acolyte hélas de la
mort qui le nique.
36.
Simiesque façonnier qui
croit que Dieu l'imite,
Mon pervers s'autorise à
franchir les limites
Du mot blasphématoire et
des jeux illicites ;
Et croyant ce qu'il singe, il feint
ce qu'il récite.
37.