le 10/05/2011 - JP BOCQUET
Au fil des jours…


 
 Mardi 10 mai 2011. Voici venu le mois de mai. Le mois de mai, le mois d’aimer. Le mai, le joli mai, j’ai choisi de le passer dans le Midi et en Espagne, en une période où les concerts assourdissants des cigales ne couvrent pas encore les solos si singuliers des oiseaux…
Voici venu le mois des fragrances parfumant les itinéraires improvisés du piéton ou du cycliste. Je suis les deux, avide de m’abreuver aux sources innocentes de mes sens, des embruns iodés aux ramures accueillantes.
Ce mois qui n’est encore que prémices, prémisses et promesses abonde pourtant en fêtes et commémorations de toute sorte. S’agirait-il pour nous de lutter ainsi contre la mort et l’oubli, l’évanescence perpétuelle ? S’agirait-il de racler la paille des héritages dans l’incertitude de la récolte à venir et de la germination secrète du grain ?
Voici trente ans que François Mitterrand se faisait élire pour « changer la vie ». Admirable slogan qui fit rêver tant de Français à l’époque, galvanisant leurs espoirs ! Mais ambition à vrai dire surhumaine…
Qu’on puisse changer les conditions de vie de tel ou tel, leur façon de regarder et d’être regardés, leurs rapports aux autres et aux choses, certes. Il est alors possible de changer leur vie. De là à changer la vie, il aurait fallu avoir l’omniscience et l’omnipotence d’un démiurge ou d’un dieu créateur pour le faire.
Tout le monde prenait la vie à témoin en 1981. Mitterrand, ceux qui clamaient « vivre, vivre enfin ! », comme si l’on sortait de l’enfer du goulag, ceux encore qui s’enchaînaient pour revendiquer le droit à la vie du fœtus tout en s’accrochant à la peine de mort.
« Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » affirmait Victor Hugo. Je me permettrai de compléter la formule en disant que ce sont ceux qui luttent pour que les forces de la vie l’emportent sur les forces de la mort.
Je m’attendrissais ce matin devant un champ de blé tapissé de coquelicots. La vie s’offrait à moi simple et tranquille, dans sa conjonction éphémère et réussie entre le labeur des hommes et l’œuvre de la nature. Alliance du rouge et du vert, comme en alchimie, comme sur le drapeau marocain. Je m’attendrissais égoïste et insouciant. Et puis, plus loin, sur un calvaire étêté et buriné par le temps, j’ai déchiffré les mots « O crux ave spes unica ». L’inscription remontait à 1890.
Je ne sais si Patrick Roy espérait en la Croix. Je sais simplement que le rouge de l’amour des autres dont il faisait son idéal, ce rouge des coquelicots, ne l’a guère protégé du crabe de la mort.
Je ne sais si la jeune Camille espérait en la Croix. Je sais simplement que le vert d’une adolescence et d’une vie adulte où elle ne demandait qu’à s’épanouir à l’image des blés en pleine croissance a été anéanti par la folie terroriste.
Alors, trente ans après l’alternance démocratique et en démocratie du 10 mai 1981, je n’ai pas changé d’avis. Quelles que soient les bannières et quelles que soient les positions partisanes, je n’oublie pas qu’on est homme avec les autres. Dans un monde globalisé et dans les luttes à mener contre les forces obscures et insidieuses qui nous écrasent, l’alliance de la Rose et du Réséda reste d’actualité.
L’homme est peut-être le premier des prédateurs comme le souligne Marguerite Yourcenar dans les premières pages d’Archives du Nord mais, dans son effort civilisateur, il a très tôt construit des ponts, comme son empereur Hadrien.
Si ces ponts ne sont pas ceux des conquérants mais ceux des liens fraternels qui doivent rapprocher les hommes sur les voies de la paix, de la recherche médicale contre la souffrance protéiforme, de la lutte en commun contre les misères endémiques, des modes d’expression spirituelle, intellectuelle et esthétique, bref de tout ce qui peut les élever au lieu de les amoindrir, alors, un jour peut-être, tout sera bien et nous aurons changé la vie…
D’ici là, efforçons-nous ensemble, dans la joie et malgré l’adversité, de maintenir le cap. 
Voici venu le temps d’aimer, d’aimer le joli mois de mai, d’aimer encore demain matin, d’aimer encore jusqu’à notre dernier souffle chaque matin, comme si c’était le premier matin du monde.
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Jean-Pierre BOCQUET
Professeur de Lettres retraité
Conseiller municipal
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